Intervention de Anne Bouverot

Réunion du mardi 26 mars 2024 à 18h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Anne Bouverot, co-présidente de la Commission de l'intelligence artificielle :

. – Nous accusons, de fait, un retard par rapport aux États-Unis dans les investissements dans l'IA, tant sur le volet public que sur le volet privé. Les stratégies recommandées par le rapport Villani de 2018 et mises en œuvre via France 2030 ont consisté à investir 3 milliards d'euros sur 8 ans. L'investissement public à hauteur de 5 milliards d'euros par an sur 5 ans que nous recommandons serait donc significatif. En parallèle, nous recommandons la constitution d'un fonds « France et IA », doté d'une gouvernance publique-privée, pour encourager aussi l'investissement privé. Aux États-Unis, la recherche publique est ainsi achetée par les entreprises privées. La chercheuse Fei-Fei Li a récemment interpellé Joe Biden à ce sujet à l'occasion de son discours sur l'état de l'Union.

Dans le domaine de la santé, la protection des données demeure effectivement extrêmement importante. La proposition serait de conserver le rôle de la Cnil dans cette protection, tout en lui confiant, avec des ressources supplémentaires, un rôle dans le domaine de l'innovation. La Cnil, que nous avons auditionnée, est appelée à répondre à de plus en plus de questions autour de l'IA. Elle aura donc un rôle extrêmement important à jouer, y compris pour donner de la visibilité en amont aux entreprises et aux organisations, pour qu'elles puissent innover et déployer leurs services liés à l'IA en anticipant les éventuelles difficultés associées. Concrètement, dans le domaine de la santé, une autorisation préalable est aujourd'hui obligatoire pour l'utilisation de données dans une optique de recherche et de développement de solutions au bénéfice des patients. Nous estimons que cette autorisation préalable pourrait être supprimée, au profit d'une logique de responsabilisation des acteurs et de validation ex post. À défaut, le risque serait que ces solutions continuent d'être développées par d'autres et que nous soyons amenés, pour répondre à des enjeux de santé, à retenir des innovations ne provenant majoritairement pas d'acteurs français.

Dans le domaine de la culture, il apparaît effectivement important, au-delà du rayonnement de la culture et des valeurs françaises et européennes, d'assurer le respect du droit d'auteur. À cet égard, il existe, dans la règlementation européenne, des capacités d' opt-in et d' opt-out à la disposition des artistes et auteurs. Nous recommandons une transparence sur ces dispositions, pour qu'elles puissent être mobilisées de manière plus éclairée. Il subsiste toutefois un risque d'évitement. C'est pourquoi nous recommandons également le développement d'une plateforme de mise en relation des ayants droit avec les sociétés d'IA, pour leur permettre de négocier, le cas échéant de manière collective, l'utilisation et la rémunération de leurs créations.

Pour ce qui est de la souveraineté, nous avons beaucoup placé la réflexion au niveau européen, car les montants financiers à engager sont considérables. La France est sans doute le pays européen souhaitant le plus conserver sa souveraineté nationale. Cependant, elle doit aussi faire preuve de pragmatisme, en considérant ses capacités à faire. Il conviendra de s'interroger sur les données à conserver impérativement en France, sur des serveurs français, ainsi que sur les données qu'il ne serait pas viable économiquement d'exploiter ainsi et vis-à-vis desquelles une réflexion pourrait être menée à l'échelle européenne ou avec d'autres acteurs internationaux.

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