Intervention de André Bernard

Réunion du mardi 2 avril 2024 à 16h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la france

André Bernard, président de l'Association nationale interprofessionnelle des fruits et légumes transformés :

Le TODE est un bon dispositif, mais peu adapté à nos besoins actuels alors qu'il peut coûter cher à l'État. Je propose donc une solution très simple : sur l'ensemble de la masse salariale, toutes catégories de travailleurs confondues – car quand une entreprise va mal, tout le monde en pâtit –, considérer les charges patronales au même titre que la TVA sur les achats d'intrants et de services dans les autres secteurs de l'activité. Si je vends bien et que je fais un gros chiffre d'affaires à la vente, je récupérerai moins ; si cela s'effondre ou que j'ai beaucoup de main-d'œuvre, je récupérerai davantage. En effet, quand la main-d'œuvre occupe une part importante du coût de production, on a moins de charges soumises à la TVA ; or, alors que le régime de TVA régule le poids de ces charges pour l'exploitant qui en a beaucoup, celui qui doit investir dans la main-d'œuvre ne bénéficie d'aucune régulation.

Cela nous ramène à la question de l'agroéquipement. Prenez un engin fatigué que vous n'avez pas les moyens de remplacer : vous allez profiter de l'hiver pour changer les roulements, remettre des dents, bref le préparer à faire la campagne suivante. Mais on ne peut pas faire revenir un salarié d'une année sur l'autre sans le payer à nouveau plein pot.

Aujourd'hui, on bloque les salaires pour conserver le bénéfice de l'exonération de charges. D'où le fait que le salarié, comme vous le disiez, n'a pas intérêt à venir travailler et à perdre ses aides. On pourrait faire monter son salaire en augmentant ses heures de travail – ça n'a jamais tué personne de faire quarante-cinq ou cinquante heures hebdomadaires pendant quelques semaines ! On en faisait bien plus avant ! Il y a trente ans, les travailleurs payés à la tâche commençaient à l'aube, en venant à vélo, et faisaient jusqu'à soixante-dix-sept heures – je peux le dire, il y a prescription. Il ne s'agit pas d'aller jusqu'à cet extrême. Mais avec trente-cinq ou quarante heures au SMIC, on ne gagne pas sa vie. Maintenir un complément de revenu pour ceux qui font peu d'heures et dont le salaire est bas, pourquoi pas ? Mais quand on peut accumuler les heures et permettre au salaire d'augmenter, il faut le faire, sans perdre l'exonération de charges. Chez moi, les exonérations de charges représentent beaucoup plus que les aides de la PAC.

Pour en revenir à l'agroéquipement, le matériel dont nous avons besoin est fabriqué par des PME. Un gars de chez moi ne peut plus faire homologuer son enjambeur parce que celui-ci n'a pas de cabine ; donc on va reprendre la brouette et en prendre plein la figure ? C'est aberrant. Parmi ces petits constructeurs, peu sont français, hélas, car nous avons perdu le savoir-faire ; il y en a de plus en plus en Italie ou en Espagne.

Certains types de matériel peuvent réduire la pénibilité. Il y a des systèmes où le salarié qui ramasse est assis ou allongé et se laisse porter par l'engin au lieu d'être à genoux et mouillé. Payer un salarié pour qu'il reste couché, ça perturbe ; mais j'ai essayé, et ça marche.

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