Intervention de Philippe Le Gal

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 15h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la france

Philippe Le Gal, président du Comité national de la conchyliculture :

Je représente devant aujourd'hui la conchyliculture française, c'est-à-dire la production des coquillages. En France, nous produisons surtout des huîtres creuses, des moules, des palourdes et des coques, les huîtres creuses constituant la principale production. Selon les années, la production globale varie entre 150 000 et 200 000 tonnes, réparties de la manière suivante : 100 000 tonnes d'huîtres creuses, 50 000 tonnes de moules et 4 000 à 10 000 tonnes de palourdes et de coques. La filière fait vivre 16 000 personnes en emplois directs et se répartit sur 16 000 hectares de concessions sur le territoire français. Nous avons par ailleurs 6 000 navires et réunissons environ 2 500 entreprises.

Nos débouchés se trouvent principalement en France, où nous sommes aujourd'hui confrontés à d'importants soucis de commercialisation. Nos exportations sont dirigées vers des pays tiers européens et le grand export, en direction de l'Asie, porte surtout sur les huîtres creuses. Nous exportons en revanche peu de moules, mais nous en importons environ 90 000 tonnes chaque année, fraîches ou congelées.

Au niveau européen, deux pays sont les principaux producteurs de coquillages, l'Espagne et la France – l'Espagne pour les moules et la France pour les huîtres, dont nous sommes par ailleurs le quatrième producteur mondial, après les pays asiatiques comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Le chiffre d'affaires de la filière s'établit à 663 millions d'euros.

Les facteurs limitants auxquels la profession est confrontée sont d'abord l'espace, dans la mesure où l'espace marin est prisé sur l'ensemble du littoral français. Nous étions jusqu'à présent très proches du littoral, c'est-à-dire sur l'estran. Celui-ci est convoité, mais il doit également faire face à de très fortes problématiques de pollution. Le deuxième facteur limitant concerne la qualité de l'eau, qui est d'abord fonction de ce qui sur passe sur terre. Ces dernières semaines, vous avez entendu parler du norovirus, le virus de la gastro-entérite. Le problème et le suivant : les eaux d'assainissement ne peuvent pas toutes être traitées par les stations d'épuration et les réseaux actuels. Ce phénomène engendre de graves problèmes de qualité de l'eau, qui se répercutent sur le milieu maritime. Depuis les fêtes de Noël, nous avons perdu 50 % de parts de marché sur le territoire français et le problème est récurrent depuis déjà trois ans, comme l'attestent les chiffres de FranceAgriMer.

Afin de surmonter ces problèmes, il est nécessaire de mettre en place un certain nombre d'actions. Il s'agit d'abord de soutenir la filière conchylicole, une filière d'excellence qui connaît de graves difficultés. Les exportations d'huîtres représentaient un solde positif de près de 80 millions d'euros dans la balance commerciale française jusqu'à ces dernières années. Cela n'est plus le cas, en raison de la situation sanitaire et de la défiance des pays tiers, notamment la Chine, qui en profitent pour remettre en cause la qualité de sanitaire de nos produits. La Chine tire ainsi prétexte de ce problème pour bloquer régulièrement des lots d'huîtres qui lui sont destinés. Je précise que si la France consomme surtout des huîtres crues, les pays asiatiques les mangent cuites.

Nous avons décidé d'essayer d'intervenir, notamment en établissant des indicateurs prédictifs. Nous avons ainsi la possibilité de mettre en place un bactériophage, avec des analyses récurrentes, de manière à anticiper les contaminations qui peuvent survenir en mer.

Bien évidemment, la pression demeure sur les collectivités territoriales, qui doivent gérer leurs stations d'épuration et leurs réseaux. Malheureusement, les financements manquent à l'heure actuelle, mais il sera néanmoins nécessaire de trouver des solutions. Celles-ci portent à la fois sur l'indicateur précédemment mentionné et sur des systèmes de purification efficaces. À cet effet, nous nous tournons vers nos ministères de tutelle pour mettre en place ces dispositifs et notamment les financements.

Si notre filière dispose de possibilités importantes de développement, nous connaissons aujourd'hui des moments difficiles, qui justifient de nous aider. Enfin, notre activité se concentre aujourd'hui sur le proche littoral, mais notre avenir peut aussi être au large. Nous pouvons y développer des systèmes de production, par exemple dans les parcs éoliens. Un autre axe de développement porte sur la production d'algues, afin de nous diversifier et de ne plus être dépendants d'une seule production. De fait, ce système de monoculture nous fragilise.

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