Intervention de Elyes Jouini

Réunion du jeudi 7 mars 2024 à 8h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Elyes Jouini, professeur des universités en économie et mathématiques, titulaire de la chaire Unesco « Femmes et Science » à l'Université Paris Dauphine :

. – On parle de codes, qu'ils soient sociaux ou culturels. Ils sont très difficiles à acquérir quand on ne part pas du bon pied. S'y ajoutent les codes de l'orientation. Des études aux États-Unis ont montré que les filles ne choisissent pas des filières moins sélectives ou moins difficiles que les garçons. En revanche les garçons choisissent les filières les plus rémunératrices dix ans après le diplôme, et les filles se répartissent plus largement sur l'ensemble des filières.

Cette information concernant les carrières et les possibilités qui se cachent derrière les différentes filières d'enseignement sont peu connues des jeunes, ou pas de manière uniforme. De plus, nous avons évoqué le rôle des parents. S'ils donnent des injonctions à leurs enfants pour qu'ils travaillent bien à l'école, une injonction secondaire est peut-être plus donnée aux garçons qu'aux filles : « Si tu n'arrives pas à être bon en tout, concentre-toi sur les mathématiques, sur la physique, sur les disciplines scientifiques. » On laissera en revanche la fille choisir librement sa filière.

La liberté est opportune, mais on doit être bien informé pour qu'elle le soit. Nous en revenons toujours au rôle des parents. Si un garçon qui est bon en tout dit vouloir suivre des études d'histoire ou de français, on va lui dire « oh, mais c'est dommage, quand même, tu pourrais faire ingénieur ». En revanche, si la fille est bonne en tout et tient le même discours, on lui répondra « mais l'essentiel, c'est que tu t'épanouisses, ma fille ». À la limite, si elle dit « je vais faire des études d'ingénieur », elle s'entendra dire « mais c'est vraiment un univers extrêmement dur ». Ce n'est pas faux. On voit tous les jours dans nos écoles d'ingénieur, dans nos filières scientifiques, qu'il y règne un sexisme ambiant, une pression extrêmement importante sur les femmes. Des agressions sexistes et sexuelles y ont lieu. Les travaux de Clémence Perronnet montrent que les filles sont exposées tout au long de leur scolarité à une série de mini-agressions, sans parler des agressions majeures, qui auront pour effet de les éloigner des disciplines et des parcours scientifiques. Ce n'est donc pas qu'une question de modèle. Nous avons des problèmes de société profonds à aborder de manière courageuse.

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