Intervention de Delphine Grancher

Réunion du lundi 18 mars 2024 à 14h30
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Delphine Grancher, ingénieure de recherche au CNRS :

Le milieu scolaire apparaît clairement comme un vecteur privilégié d'éducation aux risques et de diffusion généralisée de la culture du risque. Nous avons recensé une quinzaine de chapitres, dans les programmes scolaires, abordant la notion de risque majeur. Aucun de ces chapitres n'est spécifique aux risques majeurs en outre-mer et il n'y a pas d'obligation d'y intégrer des cas d'étude locaux. Certains chapitres du programme d'histoire font pourtant l'objet d'une telle adaptation, qui permet aux élèves de mieux connaître le territoire dans lequel ils vivent.

Le fait qu'ils n'y soient pas obligés ne veut pas dire que les enseignants n'abordent pas les risques locaux. Mais l'organisation de ces séances repose sur leur volonté et, surtout, sur la disponibilité de la documentation. On trouve un certain nombre de documents sur des sites académiques, mais leur mise en ligne n'est pas systématique et ils ne sont pas exhaustifs. L'éducation aux risques majeurs dans le cadre scolaire n'inclut pas non plus de façon systématique une préparation à l'adoption de comportements sûrs. Dans le cadre de nos recherches, nous avons créé un jeu de société destiné aux adolescents, qui s'intègre au programme du collège. Il présente aux élèves la situation d'un territoire après le passage d'un cyclone majeur, la reconstruction et la vie quotidienne des habitants. Il est cette année en cours de déploiement, grâce à l'implication des académies de la Guadeloupe et de La Réunion.

Il existe d'autres opportunités pour proposer, souvent de manière ludique, une sensibilisation aux risques majeurs en milieu scolaire : il y a les journées dédiées à la prévention des risques sismiques, les exercices CaribWave, ou encore la journée française « Tous résilients face aux risques » dont la première édition fut organisée en 2022 et qui aura lieu chaque 13 octobre désormais.

Ces animations sont relativement coûteuses et nécessitent la mobilisation d'associations spécialisées. Elles ne peuvent être accueillies dans tous les établissements chaque année. Elles participent malgré tout à la réactivation de la mémoire et à la formation au risque pour toutes les générations.

Les plans particuliers de mise en sûreté (PPMS) sont désormais largement mis en place dans les établissements scolaires, en particulier grâce au coordonnateur académique des risques majeurs (Carm). Mais des exercices d'évacuation pour faire face aux aléas sismiques et aux tsunamis ne sont pas toujours organisés chaque année.

Nous avons estimé à plus de 250 000 le nombre de jours manqués pour l'ensemble des élèves de la maternelle à la terminale scolarisés dans des établissements publics du seul fait de la fermeture des établissements à Saint-Martin après Irma. La reprise de la scolarité est un élément déterminant pour l'éducation des jeunes, mais aussi pour permettre aux adultes de reprendre leur activité professionnelle et pour limiter la petite délinquance.

Cette reprise doit être anticipée et planifiée en associant les autorités publiques, car elle concerne des domaines qui ne relèvent pas seulement des services de l'éducation nationale. Il s'agit de veiller à l'accès à des locaux sécurisés qui ne sont plus nécessaires à la gestion de crise, en procédant éventuellement à une nouvelle répartition des élèves. Il s'agit aussi de financer des aménagements modulaires, de transporter les élèves et les personnels et de s'assurer de la présence du mobilier et du matériel pédagogique, pour offrir des conditions d'enseignement les plus proches de la normale.

Associé au PPMS, le protocole de reprise de la scolarité après un événement majeur devrait aussi inclure un diagnostic de situation et, le cas échéant, prévoir les mesures de soutien nécessaires pour les personnels qui seraient en difficulté. On peut aussi prévoir des activités pédagogiques liées au retour d'expérience, adaptées au niveau des élèves.

La formation de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale aux risques majeurs – et en particulier à leur gestion – est primordiale.

Enfin, l'état dégradé des bâtiments scolaires outre-mer a été plusieurs fois pointé du doigt par différents rapports. L'occurrence d'un événement majeur, qu'il soit climatique ou tectonique, dégradera inévitablement une situation déjà compliquée. Je rappellerai qu'à Saint-Martin trois établissements ont été définitivement fermés. Depuis six ans, une partie des cours a lieu dans des bâtiments modulaires. L'ouverture d'un nouvel établissement est désormais prévue pour 2025, c'est-à-dire huit ans après le passage du cyclone. Ce délai est éprouvant pour les élèves, les personnels et les familles, qui subissent encore les conséquences d'Irma.

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