Intervention de Marie-Charlotte Garin

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2024 à 9h00
Versement des pensions alimentaires aux enfants majeurs — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Charlotte Garin :

Doit-on encore verser une pension alimentaire à un enfant majeur ? Oui, bien sûr, jusqu'à ce qu'il puisse s'assumer financièrement. Dans les faits, hélas, ce n'est pas toujours le cas et les jeunes adultes ne disposent pas forcément des moyens de pression qui leur permettraient de l'obtenir. Grâce à ce texte, la CAF leur servirait d'intermédiaire. Ce dispositif est calqué sur celui créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui permet d'abord de lutter contre les impayés et de protéger le parent créancier en cas de tension avec le parent débiteur en mettant fin à une relation directe entre les deux. Les chiffres témoignent de l'efficacité du dispositif puisqu'au niveau national, le taux de recouvrement des pensions alimentaires est passé de 63 % en 2008 à 73 % en 2021.

Les difficultés causées par les séparations sont bien connues et les impayés pèsent tout particulièrement sur le quotidien des familles monoparentales – une situation qui concerne très majoritairement des femmes. Un quart d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.

Le service exclut, pour le moment, les enfants majeurs qui perçoivent directement la pension alimentaire. Des versements directs sont en effet possibles lorsque l'enfant majeur prend son indépendance sans être autonome financièrement. Cette période correspond souvent à celle du premier emploi ou de la poursuite des études. Nous le savons, elle est charnière dans la vie de chacun. Malheureusement, elle peut être synonyme d'angoisse pour nombre de jeunes : un jeune de 18 à 29 ans sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, subissant une hausse du coût de la vie de plus de 25 % depuis 2017.

Le Gouvernement a voulu répondre à la précarité étudiante en réformant l'attribution des bourses sur critères sociaux. Or cette réforme est un écran de fumée : elle ne compense en rien la baisse des aides directes aux étudiants décidée par ce même gouvernement. Depuis 2017, les coupes budgétaires dont vous êtes responsables ont conduit à amputer de près de 41,2 millions d'euros le budget des aides directes aux étudiants. Le peu de considération que vous portez à la détresse des étudiants se révèle de plusieurs façons. Alors que leurs syndicats indiquent que 20 % des étudiants – et 16 % de ceux qui ne sont pas boursiers – ne mangent pas à leur faim, la majorité parlementaire a refusé, en février 2023, d'adopter la proposition de loi visant à pérenniser le repas à 1 euro pour tous dans les restaurants gérés par les Crous (centres régionaux des ?uvres universitaires et scolaires). C'est vrai à Lyon, mais aussi dans d'autres circonscriptions : malgré les promesses, les files d'attente devant les associations d'aide alimentaire sont toujours plus longues.

Alors que le logement demeure le premier poste de dépenses dans leur budget, le Gouvernement ne tient pas sa promesse de construire 60 000 logements étudiants supplémentaires pour 2022. Pire, il annonce en novembre 2023 ne plus vouloir construire que 37 000 logements d'ici à 2027, un objectif bien moins ambitieux et insuffisant. Cette défaillance de la puissance publique pousse les étudiants à se tourner vers le parc privé, ce qui oblige la moitié d'entre eux à travailler pour financer leurs loyers.

Plus largement, la précarité concerne toute la jeunesse, pas seulement les étudiants. Les inégalités se creusent et la vie est devenue trop compliquée pour les plus précaires. Comment se construire quand on ne peut pas se nourrir à tous les repas – sans parler de pouvoir payer son loyer ? Une fois les études achevées, les complications liées à l'arrivée sur le marché du travail commencent. Avant 25 ans, les jeunes ne peuvent pas prétendre au RSA. Or l'âge moyen d'accès à un emploi stable est désormais de 27 ans. La plupart du temps, les jeunes doivent donc compter sur la solidarité familiale et, pour ceux dont les parents sont séparés, sur la pension alimentaire.

Bien évidemment, nous devons les aider, mais si je viens de dresser un tableau plus large de la jeunesse, c'est que je m'interroge. Nous nous apprêtons à voter une mesure pour des jeunes sans savoir encore combien seront concernés. Cela n'ôte rien au caractère nécessaire de cette mesure, mais que faisons-nous pour les autres ? Nous apprenions ce matin que quatre étudiants sur dix présentent des symptômes dépressifs. Notre jeunesse est en crise. C'est en nous saisissant du problème à bras-le-corps que nous le résoudrons, pas par des mesures de saupoudrage.

Enfin, nous vous alertons quant à la nécessité d'allouer des moyens suffisants au service chargé d'appliquer le dispositif que nous allons adopter. Les représentants de la direction de la sécurité sociale que nous avons auditionnés ont fait remarquer, à juste titre, que le délai moyen de versement des pensions alimentaires par le service d'intermédiation est actuellement de 12,8 jours, contre sept jours en règle générale. Il est donc crucial de donner aux organes concernés les moyens d'assurer sereinement leur mission, dans le souci de mieux protéger les jeunes.

Cette alerte en tête, le groupe Écologiste – NUPES votera la proposition de loi.

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