Intervention de Béatrice Descamps

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2024 à 16h00
Protection des enfants victimes de violences intrafamiliales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Descamps :

Les chiffres sont terrifiants mais il convient de les rappeler. En 2021, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) relevait que, chaque année, 400 000 enfants sont exposés à des violences intrafamiliales. Dans ses conclusions intermédiaires, la Ciivise estime que 160 000 enfants sont victimes, par an, de violences sexuelles. Chaque semaine, un enfant meurt sous les coups de ses parents. Selon le ministère de l'intérieur, en 2021, les violences intrafamiliales non conjugales ont progressé de 16 %.

Les violences à l'égard des enfants, en particulier les violences sexuelles incestueuses, sont un fléau pour notre société et la justice doit être tenue à une obligation de résultat en la matière. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires salue le compromis trouvé en CMP et le caractère transpartisan de cette proposition de loi, qui montre la volonté commune d'avancer rapidement sur ce sujet et qui permettra de répondre aux demandes formulées par la Ciivise, visant à renforcer les mesures de suspension et de retrait de l'autorité parentale. Toutefois, notre groupe regrette les difficultés qui affectent cette commission indépendante, alors même qu'elle a effectué un travail essentiel. Le refus de reconduire le juge Édouard Durand dans ses fonctions de président et les récentes démissions en son sein nuisent à son action.

En 2019 et en 2020, deux lois ont permis d'accroître l'arsenal législatif en matière de violences familiales, notamment pour faciliter la suspension de l'autorité parentale en cas de poursuites. La lenteur du système judiciaire ne devant pas pénaliser les victimes, il était nécessaire d'être en mesure de soustraire les enfants de l'emprise du parent violent, même avant une condamnation. En ce sens, l'article 1er est essentiel : il permettra la suspension de l'autorité parentale en cas de crime ou de violences sexuelles incestueuses contre l'enfant. En effet, l'intérêt supérieur de ce dernier doit primer dans ce type de procédures.

À cet égard, nous entendons le choix de la CMP de ne pas maintenir, pour des raisons de sécurité juridique, la suspension de l'autorité parentale en cas de violences conjugales. Cependant, nous tenons à rappeler que les violences conjugales sont aussi des violences familiales qui touchent l'enfant et dont les conséquences peuvent être désastreuses et synonymes de souffrance : troubles affectifs, comportementaux, dépression, anxiété, reproduction de la violence ou encore syndrome de stress post-traumatique.

L'autre grande avancée de ce texte est qu'il incitera le juge pénal à prononcer le retrait de l'autorité parentale de façon plus systématique dès qu'un cas grave se présentera. Face à un cas d'inceste, il est nécessaire que le principe soit celui d'un retrait total. Avec ce texte, seule une décision spécialement motivée du juge pourra en décider autrement ; c'est une avancée très attendue.

Si ces dispositions sont urgentes et nécessaires, il faudra inévitablement qu'elles s'accompagnent d'un renforcement des mesures préventives et d'une augmentation des moyens octroyés, afin que ces violences cessent au sein des foyers. Et parce que ces dernières marquent l'enfant jusqu'à ce qu'il devienne adulte, il est nécessaire de garantir que l'accompagnement psychologique et la prise en charge ne s'arrêteront pas à sa majorité. À cet égard, j'ai souvent dénoncé ici le manque criant de psychologues, de psychiatres et de pédopsychiatres, qui entraîne, il faut bien le dire, un défaut dans le suivi, pourtant indispensable, des enfants.

Notre groupe votera donc la proposition de loi de Mme Santiago – que je remercie –, parce qu'elle représente une avancée majeure et qu'il est urgent d'agir. Nous espérons qu'elle entrera rapidement en vigueur.

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