Intervention de Violette Spillebout

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2024 à 15h00
Professionnaliser l'enseignement de la danse en tenant compte de la diversité des pratiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaViolette Spillebout :

Au nom du groupe Renaissance, je me réjouis que ce texte, dont Fabienne Colboc et Valérie Bazin-Malgras sont les corapporteures, propose un nouveau choix à ceux qui animent des cours de danse partout en France : celui de professionnaliser leur enseignement, quelle que soit leur pratique.

Il s'agit de reconnaître leur amour de la danse et de leur donner de nouvelles perspectives professionnelles. Au-delà du classique, du jazz ou du contemporain, ceux qui transmettent leur passion de la danse urbaine, des danses du monde ou des danses traditionnelles pourront, s'ils le souhaitent, chercher à obtenir un diplôme d'État, reconnu, valorisé, sécurisant, soit en suivant une formation de trois ans, soit en bénéficiant d'une dispense liée à l'expérience qu'ils ont acquise.

Cette grande avancée suscite des réactions et inquiète parfois. La danse, c'est la liberté, la créativité, la passion, en particulier lorsqu'elle naît dans la rue, à l'instar du mouvement hip-hop. Bien plus qu'une danse, ce dernier est une culture tout entière, urbaine, libre, autonome, solidaire, partagée, accessible à tous, qui n'a pas envie d'être enfermée dans un cadre ou dans un style imposé. Le monde du hip-hop s'imagine mal survivre à un encadrement contraint par des normes artistiques nouvelles. Il ne veut être ni intellectualisé ni institutionnalisé. Il a raison.

C'est pourquoi je tiens à lui adresser un message, au nom de mes collègues du groupe Renaissance : dans nos territoires, nous avons échangé avec des acteurs locaux – danseurs, professeurs, directeurs d'école de danse, animateurs associatifs, chorégraphes ; j'en ai rencontré à Lille et dans les Hauts-de-France. Nous entendons leurs craintes, et nous souhaitons que rien dans ce texte n'empêche ces passeurs de passion, ces transmetteurs de mouvements, ces animateurs d'ateliers artistiques du mouvement hip-hop et de la danse, et, plus généralement, les danseurs, de poursuivre leur engagement et de préserver leur liberté de créer avec leur communauté. Nous le savons, la culture hip-hop ne s'apprend pas uniquement dans un studio. Elle se transmet de manière horizontale, entre pairs, elle se montre, se partage, fait partie d'un lifestyle – un mode de vie.

Je tiens à l'affirmer à nouveau : l'instauration d'un diplôme d'État constitue non une restriction nouvelle mais une occasion supplémentaire. Bien que le hip-hop ne soit pas une danse de studio, et que ses plus grands talents internationaux soient autodidactes, il est légitime de reconnaître le haut niveau des professeurs, en leur permettant d'être diplômés d'État. Parmi ces acteurs, certains souhaitent depuis longtemps la reconnaissance de leur compétence, de leurs années de sueur et d'efforts, de leur expérience pédagogique. Ceux qui veulent obtenir un statut sécurisant et stable, intégrer la fonction publique dans une école municipale ou un conservatoire, pourront donc désormais obtenir un diplôme d'État.

Celui-ci pourra être obtenu auprès de centres de référence, que nous souhaitons voir se multiplier dans le secteur public, mais aussi sous la forme d'une dispense accordée par un comité de validation, sous l'égide du ministère de la culture, qui tiendra compte de l'expérience artistique et pédagogique. J'ai tenu à ce que le groupe Renaissance soit très attentif aux modalités d'application de cette dispense. Nous défendrons un amendement visant à en simplifier l'obtention dans le cas de professionnels ayant déjà suivi une formation diplômante durant de longues années.

Désormais, c'est au ministère de la culture d'entamer un travail de confiance avec les artistes et les professionnels. Nous souhaitons, madame la ministre, que la génération hip-hop d'aujourd'hui, celle qui a dix, vingt, trente ans d'expérience, puisse être pleinement associée à la construction du contenu pédagogique du futur diplôme d'État et à l'examen des demandes de dispenses. Je sais que vous partagez ma préoccupation : il faut non pas déconsidérer mais valoriser.

Alors oui, le mouvement hip-hop est à un tournant : en 2024, le breakdance devient discipline olympique, et bientôt les enseignants de ce mouvement pourront obtenir un DE. Je sais pouvoir compter sur l'engagement des deux corapporteures pour assurer le service après-vente de cette loi : garantir son application dans des conditions sereines dans toutes les régions de France, et suivre son évaluation. À cet égard, le groupe Renaissance a déposé un amendement qui vise à demander au Gouvernement un rapport destiné à évaluer « les effets de l'application de la loi sur l'enseignement de la danse, notamment dans le champ des nouvelles disciplines chorégraphiques intégrées au diplôme d'État ». Notre message est clair : nous souhaitons soutenir l'art et la danse, nous ne voulons pas freiner la liberté artistique.

Cinquante ans après sa naissance dans le Bronx, après des années à l'écart, mal reconnu, mal rémunéré, voire maltraité, le hip-hop est enfin pris au sérieux. Il fait l'objet d'une vraie politique culturelle, grâce à tous les acteurs qui se battent avec talent depuis des dizaines d'années pour le faire reconnaître comme un art à part entière. Aussi le groupe Renaissance votera-t-il la proposition de loi.

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