Intervention de Maxime Saada

Réunion du jeudi 29 février 2024 à 9h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+ :

Le cinéma, je l'ai dit, est un élément absolument essentiel de la proposition de valeur de Canal+ à ses abonnés : c'est le premier motif d'abonnement. Pour la première fois depuis 1996, nous avons signé un accord avec tous les acteurs du cinéma hollywoodien – tous les studios sont aujourd'hui proposés par Canal+ – et le cinéma français est, évidemment, au cœur de notre proposition. Il se porte bien, mieux que la plupart des autres cinémas nationaux dans le monde. Les cinémas qui ont survécu sont rares : il n'y a plus de vrai cinéma italien, britannique, espagnol ou allemand. Le nombre d'œuvres produites dans ces pays a été divisé par dix en vingt ans, et le nombre de salles a aussi été largement réduit. En Europe, seule la France a réussi à maintenir un cinéma de qualité et qui s'exporte.

Pourquoi ? La caractéristique unique du cinéma français est son financement, en partie par le CNC – il joue un rôle essentiel – et aussi, en grande partie, par Canal+ et les chaînes de télévision gratuites, en particulier France Télévisions, qui vient après nous. Un tel financement n'existe pas ailleurs et explique comment le cinéma français a réussi à perdurer, à se renouveler et à continuer à s'exporter. En 2023, le nombre d'entrées en France s'est élevé à 180 millions, contre 200 millions lors des meilleures années pré-Covid-19. Le cinéma et l'exploitation se portent mieux en France que presque partout dans le monde – même les États-Unis, la Chine et l'Inde n'ont pas retrouvé un niveau pareil. Il faut avoir conscience de la chance que nous avons de produire des œuvres comme les nôtres et d'avoir un cinéma qui se porte bien. Le cinéma français représente près de la moitié des 180 millions d'entrées que j'ai évoquées : c'est, là aussi, unique.

On peut se réjouir de ce système, mais il est fragile. Même si cela n'a pas toujours été très bien compris, je pense que c'est ce que visaient les propos de Justine Triet à Cannes. Cette fragilité vient de ce que le système est principalement dépendant de deux, voire trois acteurs : Canal+, le CNC et France Télévisions – l'apport des autres est beaucoup plus faible.

Nous avons choisi de privilégier le cinéma français pour nous distinguer des opérateurs américains. Nous n'avons pas la possibilité, je le rappelle, de faire un choix entre l'audiovisuel et le cinéma, contrairement aux plateformes américaines. Mais quand bien même nous le pourrions, nous choisirions le cinéma français : c'est absolument essentiel pour nous.

S'agissant de l'avenir, la proposition que nous souhaitons faire aux organisations du cinéma est de renouveler l'accord en cours, qui a été signé il y a très peu d'années – on se remet à négocier tous les dix-huit mois, ce qui est d'ailleurs une des questions qui se posent. Nous pensons que cet accord est bon pour le cinéma français. Il a permis aux salles de retrouver leur public, bien que Canal+ diffuse désormais les films six mois après leur sortie. Nous avons donc avancé dans la chronologie sans faire de tort aux salles, ce qui est absolument essentiel pour nous. Nous considérons en effet que la salle est le moteur, le poumon de cette économie. Avancer la diffusion sur Canal+, au bénéfice des abonnés, est évidemment un objectif pour nous, mais cela ne doit pas se faire au détriment des salles. Nous préconisons donc d'en rester à la chronologie actuelle, qui a démontré qu'elle était positive aussi bien pour Canal+, qui voit de nouveau son nombre d'abonnés croître, que pour les salles.

Nous avons fait l'acquisition, depuis quelques semaines, des activités d'Orange dans le cinéma – Orange Cinéma Séries (OCS) et Orange Studio. À cette occasion, nous nous sommes engagés auprès des organisations du cinéma à ajouter les engagements financiers d'Orange à ceux de Canal+ : le montant annuel de financement du cinéma français par le groupe Canal+ passerait ainsi d'environ 200 millions d'euros par an à plus de 220 millions.

Par ailleurs, nous avons proposé que la durée de l'accord soit portée à cinq ans, afin de donner de la visibilité à la fois aux organisations du cinéma, au système de financement en France et à Canal+.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion