Intervention de David Taupiac

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2024 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Taupiac :

La pandémie de covid-19 et l'essor du télétravail ont bouleversé nos modes d'organisation du travail en faisant subir de profonds changements à l'immobilier de bureaux. Devant la vacance de milliers de mètres carrés ainsi que devant l'étroitesse du marché dans les zones tendues, il n'était pas illogique d'aspirer à faciliter la transformation de bureaux en logements, comme le fait la proposition de loi que nous examinons. Le texte présente des évolutions législatives dont certaines sont intéressantes, telle que la possibilité de soumettre les transformations en logements à la taxe d'aménagement : cela pourrait inciter les élus à se lancer dans ces projets, avec le risque cependant que cette nouvelle taxe constitue un frein à la rentabilité des opérations de transformation.

La possibilité de déroger au PLU offre une flexibilité bienvenue, de même que la création de permis de construire à destinations successives. Nous nous inquiétons cependant du risque que ces nouvelles possibilités contreviennent aux objectifs de mixité sociale.

De même, les dispositions qui visent à faciliter par différents moyens le changement d'usage dans les immeubles en copropriété vont dans le bon sens.

Néanmoins, les modifications apportées en commission n'ont pas levé nos réticences quant aux défauts du texte.

D'abord, il concernera principalement les grandes agglomérations et n'apportera que peu de réponses aux petites villes ou aux zones rurales dans lesquelles seul un nombre restreint de bâtiments serait concerné par cette transformation en logements.

Ensuite, l'impact sur les freins techniques et économiques ne sera que résiduel. Or le défi du recyclage des bureaux en logements est également économique. Selon les promoteurs, le coût des travaux est plus difficile à anticiper lorsqu'on part d'un immeuble existant. Le recyclage plutôt que la reconstruction présenterait aussi un surcoût allant jusqu'à 20 %.

Si la proposition de loi place quelques instruments supplémentaires entre les mains des élus pour créer des logements, elle est loin d'être à la hauteur des difficultés vécues par nos concitoyens. Sept ans après l'arrivée de votre majorité au pouvoir, tous les signaux du secteur immobilier sont au rouge. Il y a urgence.

Le premier quinquennat d'Emmanuel Macron a vu s'effondrer les chiffres de la construction et le second voit cette tendance s'aggraver. Selon la FFB, la Fédération française du bâtiment, le marché du logement neuf en 2023 est retombé autour de ses plus bas niveaux historiques, atteints en 1992 et 1993 : la production de logements neufs a diminué de 22 % et la délivrance de permis de construire de 24 %, alors que 3 000 enfants dorment à la rue et que 2,6 millions de ménages sont en attente d'un logement social, soit une augmentation de 8 % en un an.

La production s'est effondrée dès l'été 2017 avec la réduction du loyer de solidarité et la baisse de l'aide personnalisée au logement (APL) : alors que 125 000 logements étaient produits en 2016, ce chiffre est tombé à 82 000 en 2023.

Désormais, 12 à 17 % des étudiants renoncent à leur projet de formation faute de pouvoir trouver un logement adapté. La mobilité professionnelle est également touchée, ce qui a une incidence forte sur l'emploi. Même le Medef s'émeut de l'absence d'une politique publique de soutien résolu au logement – c'est dire !

Nous sommes tous alertés dans nos circonscriptions par la filière du bâtiment et travaux publics (BTP) au bord de l'asphyxie. Dans le Gers, par exemple, vingt-trois liquidations judiciaires ont été prononcées en 2023 et on en compte une dizaine depuis janvier, du fait d'une chute de 15 % des constructions neuves – soit un déficit de 700 logements. La région Occitanie prend sa part en débloquant 150 millions d'euros pour un contrat de filière dans le cadre de son plan « habitat durable » pour la construction et la rénovation de logements, mais l'État doit désormais prendre la mesure de la crise, en y mettant des moyens massifs.

Les 30 000 logements annoncés par le nouveau gouvernement seront insuffisants pour enrayer sept ans d'immobilisme. De même, intégrer le logement intermédiaire dans les 25 % de la loi SRU, en se servant des personnes les plus précaires et du logement social comme variable d'ajustement pour une politique publique défaillante, est une erreur morale. En outre, diminuer le financement du dispositif MaPrimeRénov' est totalement à contre-courant des besoins.

Comme nous le demande le secteur, il faut agir sur plusieurs plans en relançant la commande publique et privée. Par exemple, pourquoi ne pas rétablir le prêt à taux zéro (PTZ), y compris pour la maison individuelle ? Ce serait un vrai dispositif de soutien à l'accession à la propriété des ménages à revenus modestes et intermédiaires.

En conclusion, le groupe LIOT votera la proposition de loi. Toutefois, nous considérons que, loin du choc de l'offre pourtant promis depuis 2017 par votre majorité, nous continuons à traiter de problèmes périphériques sans répondre suffisamment aux besoins de nos concitoyens en matière de logement.

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