Intervention de Jean-Michel Zammite

Réunion du jeudi 1er février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Jean-Michel Zammite, directeur des Outre-mer à l'Office français de la biodiversité (OFB) :

Ces questions sont très vastes et je tenterai d'y répondre en mobilisant l'exemple des récifs coralliens. Une étude de l'Initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor) de 2016 souligne que les récifs coralliens contribuent chaque année à hauteur de 1,3 milliard d'euros aux économies des neuf collectivités d'outre-mer. En effet, en générant une économie reposant sur 12 000 entreprises, ils soutiennent 50 000 emplois et environ 175 000 ménages qui dépendent directement ou indirectement de leur existence. Les récifs coralliens offrent également des avantages non négligeables, notamment en matière de tourisme. Ils constituent donc un pilier économique essentiel. Sur le plan mondial, environ 20 % des récifs et des écosystèmes associés ont été irrémédiablement détruits au cours des dernières années sous l'effet de pressions anthropiques et naturelles. Parmi les 80 % restants, seuls 30 % seraient dans un état satisfaisant.

En outre, les récifs coralliens absorbent une grande partie de l'énergie des vagues, réduisant les dommages sur les aménagements littoraux lors des évènements météorologiques extrêmes. Ils sont donc source d'économies importantes, évaluées à 595 millions d'euros chaque année si je ne me trompe pas. Il s'agit d'indemnités naturelles gratuites et nous ne nous rendons pas compte que ce patrimoine nous fournit des ressources. En cas de poursuite de la dégradation des coraux, des conséquences significatives se feront ressentir sur le littoral, telles que l'absence de pêche, car ces récifs abritent un ensemble considérable de faune et de flore. Cependant, la pêche dans les récifs coralliens fait vivre plus de 6 millions de personnes à travers le monde et représente une valeur économique de 6,8 milliards de dollars par an, dont 215 millions pour les outre-mer français. Lorsque les récifs coralliens se dégradent, la diminution de la population de poissons affecte l'ensemble de la chaîne alimentaire.

En outre, les récifs coralliens et les écosystèmes associés, tels que les herbiers et les mangroves, agissent comme puits de carbone et jouent un rôle important dans la régulation du climat. La valeur de ce service en crédits carbone a été estimée à 175 millions d'euros. De plus, les récifs coralliens constituent une économie du tourisme, le tourisme bleu étant basé sur l'usage récréatif des récifs – excursions, plongée sous-marine, découverte, plaisance, journée à la plage. Il a d'ailleurs été évalué à 315 millions d'euros.

Les récifs amènent aussi des progrès dans la recherche médicale. En effet, environ la moitié des recherches sur les médicaments contre le cancer sont basées sur des organismes marins, qui sont également utilisés dans le traitement de maladies telles que le paludisme et la dengue. En outre, un extrait d'une éponge des récifs des Caraïbes est utilisé dans un médicament contre le VIH. Toutes ces indemnités ont donc été évaluées par l'étude de l'initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor).

De plus, il existe des liens fonctionnels entre les différents écosystèmes, notamment les mangroves. Ces dernières réduisent les flux de sédimentation et de pollution provenant du bassin-versant, agissant ainsi comme un filtre naturel. Les mangroves atténuent également les vagues et les problèmes de pollution, tout en abritant de nombreuses espèces marines, telles que les crabes, qui constituent une importante source de nourriture pour les populations locales. Elles sont enfin des zones de nurserie et de croissance des juvéniles.

Les herbiers captent eux aussi le carbone et fournissent une source de nourriture pour des espèces telles que les tortues, qui constituent également une richesse touristique majeure dans de nombreux territoires ultramarins. De plus, le récif corallien amortit l'énergie des vagues et protège les herbiers et les mangroves, or ces habitats sont propices à la vie marine et à la reproduction ainsi qu'à l'alimentation de nombreuses espèces. Comme tout patrimoine naturel, il doit être entretenu, car il est très fragile.

En effet, le réchauffement climatique menace la survie des récifs coralliens, tandis que la pollution issue des systèmes d'assainissement défaillants constitue une menace supplémentaire. L'écoulement d'eaux usées non traitées sur les récifs entraîne une couche de boue qui étouffe leur fonctionnement et peut conduire à leur destruction. Plus précisément, ils vont être surfatigués par l'accumulation de ces différents facteurs, auxquels s'ajoutent la surpêche et la pollution directe.

Dans les territoires ultramarins, l'une des urgences correspond donc à garantir des systèmes d'assainissement conformes. Par exemple, sans ces systèmes de filtration naturelle, l'eau est moins purifiée, ce qui entraîne par exemple le déclassement de plage à la baignade et des conséquences néfastes pour l'industrie touristique locale. Dans ce contexte, le rôle de l'OFB consiste à fournir des conseils et de la méthode. Par le biais de stations de mesure et de programmes de formation, l'OFB contribue à évaluer et à surveiller la santé des récifs coralliens, tout en formant une nouvelle génération de plongeurs capables de collecter des données essentielles sur ces écosystèmes. L'OFB attribue également des subventions dans le cadre d'appels à projets ou de programmes d'intervention. Par exemple, des zones de mouillage écologique sont financées afin de prévenir les dommages causés aux récifs coralliens et aux herbiers par les bateaux locaux. Des opérations similaires sont en cours de planification en Nouvelle-Calédonie.

En outre, l'OFB apporte une technicité, comme pour la gestion des parcs marins, et capitalise sur des savoirs afin de conseiller des communes qui pourront installer elles-mêmes ces mouillages écologiques. L'OFB participe également à la création d'aires marines protégées et concourt à la diminution de la pollution en finançant des stations d'épuration, ce qui permet de protéger les milieux récepteurs. Nous avons en outre financé des projets pilotes visant à améliorer la résilience des récifs coralliens, notamment en Polynésie, en nous basant sur la résistance génétique, en rétablissant la pression d'herbivorie sous les algues, en arrachant les macroalgues envahissantes et en réalisant des bouturages de coraux.

Parallèlement, l'OFB s'engage dans le développement de méthodes innovantes de cartographie afin de mieux comprendre et protéger les écosystèmes marins, et ainsi accompagner la mise en place de nouvelles réglementations. L'objectif n'est pas de protéger les espèces ou les milieux, mais de garantir à l'humain un usage de la nature.

L'OFB exerce également des missions de police de l'environnement en collaboration avec d'autres services, sous l'autorité préfectorale, afin de faire respecter la réglementation et de limiter les impacts sur les milieux naturels. Par exemple, dans certains secteurs où la pêche sous-marine est excessive, elle peut être interdite. Les mouillages interdits doivent également être contrôlés, de même que la destruction, la capture d'espèces protégées, etc.

Enfin, l'OFB apporte son expertise dans les études d'impacts pour les services chargés de l'instruction de dossiers et de déclarations d'autorisation. Par exemple, nous pouvons être consultés sur la manière de limiter les impacts causés par les travaux sur les mammifères marins.

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