Intervention de Patrick Allard

Réunion du jeudi 1er février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Patrick Allard, directeur de recherche CNRS émérite à l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) :

Je vais quant à moi vous parler du risque volcanique, car je suis directeur de recherche CNRS rattaché à l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), mais j'ai été vice-président puis président de l'association internationale de volcanologie. Ma vision dépasse donc celle de l'IPGP et le périmètre de la France.

Actuellement, 850 millions de personnes vivent dans un rayon de moins de 100 kilomètres autour d'un volcan actif. Le risque volcanique a donc une portée mondiale. En France, il est pour le moment cantonné dans les territoires d'outre-mer et concerne environ 1,8 million de personnes, réparties entre La Réunion, les Antilles et Mayotte.

En l'état actuel de nos connaissances, le réchauffement climatique n'accroît pas le risque volcanique. Ce ne sera donc pas le cas dans nos régions, mais ce le sera probablement à certains endroits qui sont recouverts de glace, c'est-à-dire en Islande ou dans les Andes. En effet, le poids des glaciers fondant réduira la pression sur les chambres magmatiques et, lors des épisodes chauds, l'activité volcanique a tendance à être plus soutenue dans ces régions.

L'activité volcanique est donc concentrée dans nos territoires antillais, à La Réunion et à Mayotte, qui sont soumis aux mêmes risques climatiques ainsi qu'aux risques de glissements de terrain et d'inondations. Toutefois, les volcans et les séismes sont associés à des contextes tectoniques différents. En effet, il s'agit par exemple d'un point chaud à La Réunion : un chalumeau souffle de la chaleur et fait remonter des magmas depuis presque le noyau de la Terre. Dans les Antilles, l'affrontement des plaques océaniques – plaque atlantique et plaque caraïbes – crée du stress mécanique qui se traduit par des séismes et, en replongeant dans le manteau, la plaque océanique atlantique fond en partie et engendre des magmas, créant ainsi des volcans. Ce sont des volcans plus explosifs, mais qui entrent en éruption moins souvent, car leur magma est plus visqueux et riche en gaz, contrairement aux magmas de La Réunion qui sont plus fluides et plus classiques, et donc moins dangereux.

Au cours de la dernière décennie, l'activité volcanique s'est accrue, notamment au niveau des volcans français. Laissons de côté le Piton de la Fournaise, qui est toujours très actif, avec trois éruptions par an qui sont prévues dans les deux heures ou les deux jours qui précèdent. La situation est cependant différente dans les Antilles. La Soufrière en Guadeloupe a dormi calmement pendant quinze ans après sa fameuse éruption de 1976-1977, mais depuis 1992, nous assistons à une réactivation notable du volcan avec l'augmentation de l'activité sismique ainsi que des émissions de gaz et l'élargissement des zones chaudes ainsi que des zones de dégazage. Un pic d'énergie a été atteint en avril 2018 avec un séisme de magnitude 4, ce qui a pu laisser penser que nous avions évité de justesse une éruption phréatique. Concrètement, l'observatoire et les autorités préfectorales ont passé le niveau d'alerte de vert à jaune, couleur qui signifie « vigilance ».

À la Martinique, la montagne Pelée dormait encore plus calmement que la Soufrière depuis 90 ans, c'est-à-dire depuis sa dernière éruption en 1929-1932, mais elle a montré des signaux de réactivation dès 2014. Ensuite, une crise s'est accrue entre 2018 et 2023 et a été marquée par des séquences sismiques à faible profondeur, c'est-à-dire entre 0 et 5 kilomètres, et par quelques déformations lentes mais significatives de l'édifice ainsi que par l'apparition de zones dégradées de la végétation sur les flancs sud-ouest, c'est-à-dire dans des zones où il y a eu des éruptions phréatiques dans les siècles passés. Ces phénomènes ont fait craindre une réactivation pouvant aller jusqu'à un terme magmatique.

Nous savons grâce à des travaux récents sur les magmas de La Réunion que le temps de maturation des éruptions, c'est-à-dire le temps compris entre la chambre magmatique et la surface, peut varier entre un et trois ans, ce qui est assez réduit. Nous n'avons en outre aucun enregistrement instrumental de ces séquences de signaux qui précèdent la maturation des éruptions magmatiques. Le niveau d'alerte est d'ailleurs également passé de vert à jaune en Martinique. Certaines discussions portent désormais sur le maintien ou l'abaissement de ce niveau, mais la vigilance reste de mise.

Par ailleurs, vous êtes tous au courant de cette éruption gigantesque, sous-marine et inattendue qui est survenue à Mayotte. La crise sismique a en effet surpris tout le monde et a été extrêmement intense. De plus, la découverte d'un volcan sous-marin de sept kilomètres cubes, formé en quelques mois, a stupéfié tout le monde. Concrètement, c'est la première fois qu'une éruption sous-marine de cette ampleur est enregistrée et observée. La situation se calme du point de vue volcanique, même s'il y existe un gros réservoir de magma sous-jacent, assez profond, avec des relais intermédiaires qui dégazent et produit des émissions sous-marines importantes. L'activité sismique n'y est pas nulle et il existe des risques à bien évaluer dans le cadre du réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (Revosima).

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