Intervention de Émilie Bonnivard

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Bonnivard, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

…dans un cadre favorisant la curiosité des élèves. Ils sont souvent l'une des premières expériences des enfants loin de leurs parents, en collectivité ; c'est donc un premier pas vers l'autonomie, la socialisation et la confiance en soi. De l'avis unanime des professeurs, de telles expériences, vécues loin de l'école, renforcent le lien entre élèves et professeurs, ainsi que le groupe formé par la classe, et rendent possible l'identification d'éventuels problèmes, notamment de harcèlement.

Évidemment, et c'est là un point crucial, les classes de découverte contribuent à la lutte contre les inégalités et l'assignation à résidence des enfants de familles modestes : c'est souvent la première occasion de sortir de son milieu, de découvrir la montagne, la mer ou la ville, donc la richesse de notre pays. L'apport d'un tel voyage dans l'esprit et le parcours d'un enfant est immense. Ces classes sont porteuses de promesses : l'enfant prend conscience du fait qu'il existe d'autres choses que son quartier, son village et sa rue, donc d'autres horizons qu'il peut découvrir. Ce sont des graines semées dans son esprit et dans son cœur, qui ne disparaîtront jamais et peuvent contribuer à faire bifurquer son chemin de vie.

Or, malgré tous les avantages qu'ils procurent, les voyages scolaires font face à de nombreux obstacles. En 1995 puis en 1998, deux accidents tragiques, qui ont causé la mort d'enfants et de leurs accompagnateurs, ont mis un coup d'arrêt aux départs, les textes du ministère de l'éducation nationale devenant très contraignants en la matière.

Il est particulièrement difficile, sinon impossible, de disposer de chiffres précis, au niveau national, quant au nombre de classes de découverte et à son évolution ces trente dernières années ; un des amendements votés en commission permettra de remédier à ce manque. Quoi qu'il en soit, les acteurs de terrain, qu'il s'agisse des enseignants, des parents d'élèves ou des associations d'éducation populaire, donnent tous l'alerte à ce propos : le nombre de voyages scolaires a drastiquement diminué après la crise du covid, et les contraintes qui pèsent sur leur organisation sont devenues bien trop lourdes.

La présente proposition de loi vise à lever les deux principaux freins au départ.

Le premier a trait au financement des voyages scolaires. Leur coût a évidemment explosé ces dernières années, du fait de l'augmentation des coûts relatifs au transport et à l'hébergement. Il est de plus en plus difficile de tenir l'objectif d'un reste à charge minimal, voire financièrement supportable, pour les familles, alors que c'est la condition nécessaire pour que tous les enfants d'une même classe puissent partir. Certes, les situations varient beaucoup selon les territoires, en fonction de la mobilisation et des moyens des parents d'élèves mais aussi des collectivités locales, qui peuvent faire baisser le coût supporté par les familles. Mais il est un acteur qui n'apparaît guère dans ce financement : l'État. C'est problématique car l'absence de dispositif au niveau national nourrit les inégalités territoriales et l'absence d'équité entre les enfants, qui ne sont pas traités de la même manière en fonction de la commune où ils habitent. On trouve bien quelques outils de l'État susceptibles d'aider à financer les voyages scolaires, mais ils sont très disparates, peu lisibles et peu opérants.

Le second frein est lié à la charge administrative et au niveau de responsabilité qui pèsent sur l'enseignant organisateur, mais aussi à l'absence totale de reconnaissance et de valorisation du travail accompli dans ce cadre. L'organisation d'un voyage scolaire nécessite de nombreuses heures de préparation. Durant la période du séjour lui-même, le temps de travail dépasse largement les horaires habituels, puisque les enseignants encadrent les élèves la journée, le soir et la nuit, le mercredi et même parfois le week-end. C'est un sacrifice ponctuel, le temps du séjour, qui empiète sur leur vie personnelle ; il fait aussi peser sur eux de lourdes responsabilités, d'autant que la judiciarisation de notre société, qui fait courir le risque d'un procès lorsqu'un enfant se foule le poignet lors d'une sortie, freine évidemment beaucoup les enseignants. En réalité, les enseignants s'y engagent de manière totalement bénévole, uniquement mus par l'immense intérêt de ces voyages pour leurs élèves.

Dans ce contexte, si aucune action publique d'ampleur n'est conduite, on continuera d'assister à leur déclin. Le Gouvernement semble pourtant avoir pris conscience de ce problème, puisque la circulaire du 13 juin 2023 relative à l'organisation de sorties et voyages scolaires dans les écoles, les collèges et les lycées publics marque un regain d'intérêt pour le sujet. Elle indique ainsi que « tout élève, quel que soit son milieu social d'origine, doit pouvoir bénéficier d'au moins un voyage scolaire au cours de sa scolarité obligatoire ». La présente proposition de loi vise précisément à nous donner les moyens de cet objectif.

Les débats que nous avons eus en commission ont été riches et fructueux ; ils ont permis d'aboutir au vote de sept articles intéressants, dont deux principaux.

L'article 1er vise à soutenir financièrement les départs en voyage scolaire par un fonds national d'aide au départ. Nous sanctuarisons ainsi dans la loi le principe et l'existence d'un tel fonds, ce qui me paraît être un progrès essentiel. Cet article est complémentaire d'un amendement que j'ai présenté dans le cadre du PLF pour 2024, qui prévoit 3 millions d'euros pour financer les classes de découverte en 2024 et qui a été retenu par le Gouvernement.

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