Intervention de Cécile Labrunie

Séance en hémicycle du vendredi 19 janvier 2024 à 9h00
Essais nucléaires en polynésie française : indemnisation des victimes directes indirectes et transgénérationnelles et réparations environnementales

Cécile Labrunie, avocate au barreau de Paris :

Malheureusement, la réponse du ministre n'est pas satisfaisante : non seulement elle ne correspond pas à l'esprit de la loi de 2010, issue d'un projet de loi présenté par le ministre de la défense de l'époque, Hervé Morin, qui était d'instaurer un système d'indemnisation « juste et efficace » et de mettre un terme à « de tristes batailles judiciaires », mais elle représente un affront au principe de réalité. Avant 2010, on imposait aux victimes de démontrer l'existence d'un lien direct et certain entre la pathologie et l'exposition aux essais, ce qui explique qu'aucune d'entre elles n'a été indemnisée. On a parlé de preuve impossible puisque, médicalement, il n'est pas possible de prouver avec certitude qu'une maladie a une origine unique, les cancers ayant souvent une origine multifactorielle. Le principe de présomption est donc le seul qui permettrait une juste réparation face à des cancers pour lesquels, je le répète, il est à ce jour impossible scientifiquement de déterminer l'origine unique et certaine.

Le ministre a omis de mentionner une autre condition : que l'action ne soit pas considérée comme prescrite. D'ailleurs, les tribunaux administratifs de Strasbourg, de Bordeaux et de Lyon, saisis sur le fondement des règles de droit commun, et qui viennent de rendre leurs premiers jugements, ont estimé que les demandes étaient prescrites. Ils ont en effet considéré que le point de départ du délai de prescription courait de la date à laquelle les veuves, en l'occurrence, avaient formulé, il y a quelques années, une demande d'indemnisation auprès du Civen. Ces personnes, qui se sont vu ensuite opposer des refus et qui ont porté des recours devant des juridictions administratives, se sont battues pour les droits de leurs époux défunts. À l'époque, elles n'avaient même pas l'idée de se battre pour leur propre cause.

Le tribunal administratif de Dijon, quant à lui, a rejeté les demandes au motif d'une absence de preuve de lien de causalité entre les préjudices dont il était demandé réparation et les essais nucléaires. Ce sont donc des procédures longues et incertaines. Les époux et les familles mériteraient de voir leurs préjudices reconnus, afin de tourner la page sur un contentieux qui a déjà été très lourd et pénible.

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