Intervention de Philippe Juvin

Séance en hémicycle du vendredi 19 janvier 2024 à 9h00
Politique pénitentiaire et conditions de détention

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Juvin :

La tentative d'analyser sereinement un problème n'exclut pas la rigueur qui est parfois nécessaire dans l'application des peines.

Je souhaite vous poser deux questions sur la liberté envisagée sous deux aspects très différents. D'abord, le droit d'être jugé : dans certains ressorts, 20 % des extractions judiciaires sont impossibles parce que l'administration pénitentiaire ne parvient pas à les réaliser. Cela crée évidemment des dysfonctionnements majeurs dans la chaîne judiciaire, car les audiences sont annulées. En outre, c'est un problème du point de vue des libertés, dès lors que les prévenus ne sont pas jugés, ce qui n'est pas satisfaisant. Êtes-vous prêt à prévoir, pour améliorer les extractions, soit des moyens supplémentaires pour l'administration pénitentiaire, soit des interventions de la police ou de la gendarmerie ?

Ensuite, vous avez parlé de la préventive. Tant qu'on n'est pas condamné définitivement, on est présumé innocent, c'est-à-dire qu'on est innocent. Monsieur le garde des sceaux, je ne vous cache pas que je ne sais pas comment on peut préparer sa défense quand on est enfermé vingt-deux heures sur vingt-quatre à deux ou trois dans 9 mètres carrés, où il fait 19 degrés, sans pouvoir se laver ni dormir, sans accès à internet ou à la documentation nécessaire, et quand on a le spectacle sonore et visuel des chiottes de son codétenu. Personne ici n'aurait préparé son intervention dans de telles conditions.

La question demeure : comment, en 2024, en France, peut-on considérer qu'un présumé innocent, c'est-à-dire un innocent, puisse être ainsi privé de liberté ? La liberté individuelle n'est-elle pas une question fondamentale ? Accessoirement, pour ceux qui ne s'émeuvent pas des questions de liberté, je peux parler d'argent : une journée de probation coûte 15 euros, tandis qu'une journée de prison coûte 110 euros. Monsieur le garde des sceaux, êtes-vous prêt à faire cette révolution, en matière délictuelle évidemment, à l'exclusion sans doute des violences volontaires et des récidives ? Faire de la probation l'outil privilégié en matière de préventive et faire de l'incarcération une exception constituerait en effet une vraie révolution.

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