Intervention de Paul-André Colombani

Séance en hémicycle du jeudi 18 janvier 2024 à 9h00
Généralisation du contrat à durée indéterminée à des fins d'employabilité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul-André Colombani :

Le groupe LIOT, que je représente, défend l'idée que la question du retour à l'emploi ne doit pas uniquement être pensée de manière quantitative mais surtout de manière qualitative. Nous sommes convaincus qu'une bonne politique de l'emploi, grâce à des outils d'insertion et d'accompagnement adaptés, permet d'atteindre les personnes éloignées du marché du travail. C'est un travail de longue haleine, d'autant plus ardu si l'on veut concilier cette ambition avec celle de l'accès à un travail de qualité. Nous partageons l'esprit du dispositif du CDI employabilité, qui s'inscrit dans une logique de lutte contre les temps partiels subis. Il offre d'indéniables atouts non seulement, bien sûr, pour les entreprises, mais aussi pour les salariés qui peuvent bénéficier d'un CDI et par là même de la protection sociale, de l'accès au logement, du maintien du salaire entre les missions. Le volet formation du CDIE constitue un atout supplémentaire, ce que nous n'avons pas manqué de rappeler lors de l'examen du texte en commission.

Néanmoins, notre groupe a exprimé de fortes réserves sur la pérennisation des CDIE. À tout le moins, nous proposions de suivre les recommandations de la mission flash quant à la prorogation de l'expérimentation jusqu'en 2025. Nous sommes donc satisfaits que la commission soit allée dans ce sens. En effet, les premiers bilans indiquent que si le nombre de CDI signés a été en progression, il demeure peu élevé, alors que les conditions d'accès sont très souples et attractives. La crise sanitaire a certes joué un rôle indéniable mais on doit s'interroger sur les raisons de ce faible recours.

Malheureusement, le premier obstacle à la généralisation du dispositif demeure l'absence d'évaluation solide. Il est anormal que les entreprises n'aient pas rempli leur obligation de fournir des informations deux fois par an sur le recours au CDIE.

Nous regrettons également ne pas avoir reçu à ce jour le rapport de l'Igas. Comment dès lors connaître le nombre exact de CDIE, le profil des salariés, la durée et le type de missions, les formations effectuées, le nombre d'embauches et d'insertions durables ? À défaut du rapport de l'Igas, le rapport de la mission flash de nos collègues Fanta Berete et Stéphane Viry nous éclaire mais reste lacunaire, faute, précisément, de pouvoir accéder aux données. Il soulève en outre des questions auxquelles votre proposition de loi ne répond pas. La flexibilité apportée aux entreprises ne doit pas être synonyme de précarité pour les salariés – or l'absence de cadre juridique et de sanctions en cas d'abus fait pourtant courir ce risque.

Nous devons aussi nous interroger sur le fait que les retours parcellaires de l'expérimentation montrent que c'est principalement les grands groupes qui ont recours à ce type de contrat – les groupes La Poste ou Renault, par exemple. Pourquoi les PME y recourent-elles moins ? Faute d'évaluation complète, nous ne pouvons répondre à la question de la coexistence des deux dispositifs que sont les CDI employabilité et les CDI intérimaires, voire de la concurrence entre ceux-ci.

Au regard de tous ces éléments, nous nous retrouvons dans les recommandations de la mission flash. Premièrement, il faut prolonger l'expérimentation jusqu'en 2025. Deuxièmement, nous devons tirer les premiers enseignements en encadrant davantage le dispositif. Nous nous interrogeons également sur l'opportunité, d'une part, de restreindre le champ des publics concernés, afin que ce dispositif bénéficie en premier lieu aux personnes les plus éloignées de l'emploi – les bénéficiaires de minima sociaux, les personnes en situation de handicap, les seniors –, d'autre part, de prévoir une durée minimale pour les missions.

En définitive, vous l'aurez compris, nous nous interrogeons avant tout sur la méthode. Nous sommes attachés au respect d'un processus précis : expérimentation, évaluation, correction et, enfin, éventuellement, généralisation. C'est pourquoi nous proposons des amendements afin, d'une part, de prolonger de deux ans l'expérimentation et, d'autre part, de tirer les conséquences des premiers retours pour mieux sanctionner les abus et les détournements du dispositif.

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