Intervention de Maud Gatel

Séance en hémicycle du jeudi 18 janvier 2024 à 9h00
Commission d'évaluation de l'aide publique au développement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Gatel, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Or le décret d'application du 6 mai 2022 s'écarte sensiblement de ce schéma. Il prévoit la présence, au sein du collège des personnalités qualifiées, de deux magistrats de la Cour des comptes, dont son premier président, mais aussi l'élection du président de la commission à l'unanimité, ce qui revient, en pratique, à confier cette présidence au premier président de la Cour des comptes. L'idée du décret, au fond, est d'assimiler la commission d'évaluation aux organismes associés à la Cour des comptes, tels que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ou le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), présidés par le premier président de la Cour. L'orientation ainsi donnée tend à conférer à la commission une tonalité essentiellement de contrôle de la régularité de l'emploi de l'argent public – un contrôle évidemment indispensable – alors que le Parlement avait voulu l'investir d'une mission beaucoup plus large d'évaluation de l'impact des projets et des stratégies d'aide publique au développement.

La Cour des comptes ne souhaitant pas se voir adosser une commission dont elle n'aurait pas, à l'inverse des organismes cités plus haut, la supervision, il est apparu nécessaire de lui trouver un rattachement plus approprié. La présente proposition de loi a pour objet de prévoir ce nouveau rattachement et de permettre à la commission de commencer enfin ses travaux.

Pour ce rattachement, la solution du ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'est imposée naturellement. Celui-ci est officiellement le chef de file de la politique française en faveur du développement. C'est par ailleurs au ministère de l'Europe et des affaires étrangères qu'est rattaché le secrétariat d'État chargé du développement et c'est bien le ministre de l'Europe et des affaires étrangères qui défend les projets de loi en matière d'aide publique au développement au Parlement, comme l'a fait Jean-Yves Le Drian en 2021. La direction générale de la mondialisation, chargée du développement au sein de ce ministère, a confirmé qu'elle était prête à assumer cette mission.

Le présent texte place donc la commission d'évaluation auprès du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et prévoit, s'agissant de ses modalités de fonctionnement, que son secrétariat soit assuré par la direction générale chargée du développement international. Les déclarations d'intérêts des experts devront être remises au secrétariat général du ministère. La proposition de loi précise par ailleurs de manière plus explicite les missions de la commission et souligne notamment que les évaluations porteront aussi bien sur les projets ex ante que ex post, c'est-à-dire de leur élaboration à leur mise en œuvre.

Composé d'un article unique, le texte n'a pas d'autre objet que ceux que je viens d'énumérer. La commission des affaires étrangères l'a adopté sans modification. Je n'ignore pas les débats, parfaitement légitimes, au sujet de l'APD, mais l'objet de ce texte n'est pas de les trancher : son seul but est de respecter la volonté du législateur exprimée en 2021. Je rappelle, en outre, que cette proposition de loi déposée par Jean-Louis Bourlanges a été cosignée par des représentants de l'ensemble des groupes politiques, ce qui est assez rare pour être souligné.

Au regard de la gravité des défis que doivent désormais relever les pays dits du Sud dans les domaines de la santé, de l'eau, de l'assainissement, de la sécurité alimentaire, de la stabilité, de l'éducation, du climat et de l'égalité, l'instauration d'une instance d'évaluation de l'aide publique au développement est plus qu'urgente. Cette commission permettra d'informer plus largement sur notre politique publique en matière de solidarité internationale, mal connue, et de contribuer à l'indispensable travail d'évaluation de la représentation nationale. Cet organe constituera en outre un puissant aiguillon pour les acteurs du développement, au premier rang desquels l'Agence française de développement (AFD). Le fait, pour ces acteurs, de savoir que leur travail sera évalué de manière indépendante ne pourra que les inciter à faire preuve de davantage d'exigence.

Dès lors, mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte qui permettra l'installation – qui n'a que trop tardé – de cette commission et à faire respecter ainsi la volonté du législateur.

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