Intervention de Manuel Domergue

Séance en hémicycle du mercredi 17 janvier 2024 à 21h30
Le sans-abrisme réceptacle des échecs des politiques publiques

Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre :

Par définition, le plan Grand froid est déclenché pour gérer des situations d'urgence, lorsque les températures deviennent trop basses. Ce n'est donc pas le bon mode d'action. C'est très cher et ce n'est pas rationnel d'ouvrir des places seulement quand il fait froid. Même si on comprend la logique du dispositif, il n'est pas efficace et il génère de la frustration. Heureusement, les collectivités et les parlementaires prennent parfois le relais.

Ce que vous pointez de la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État est assez classique. Faire de l'âge des enfants un critère de répartition n'est pas rationnel et il est normal que les acteurs finissent par se renvoyer les dossiers. Des gens passent donc au travers des mailles du filet. Il serait préférable d'identifier un seul responsable.

Les plans « logement d'abord » 1 et 2 ont eu l'intérêt, quand ils ont été appliqués localement, de faire travailler ensemble les collectivités territoriales, responsables du logement, et l'État, responsable de l'hébergement, et de favoriser le passage de l'un à l'autre. Il me semble donc possible de nous inspirer de ces collaborations étroites pour bâtir des dispositifs solides et clairs et éviter ainsi que les acteurs ne se renvoient la balle.

La surreprésentation du public sortant de l'Aide sociale à l'enfance parmi les personnes sans domicile est un scandale absolu. Des engagements ont été pris : ne pas les héberger dans les hôtels et systématiser les contrats jeune majeur. Dans les faits, ces engagements ne sont pas toujours tenus.

Enfin, je suis très choqué que cinq ou six départements aient annoncé qu'ils ne prendraient plus en charge les mineurs non accompagnés – les mineurs isolés étrangers. Aucune réaction de l'État pour leur rappeler la loi ! D'une certaine manière, ces départements se permettent de faire jouer la préférence nationale, au détriment d'enfants ! Je ne parle pas de jeunes majeurs mais de mineurs ! À force de vouloir expulser les uns et enlever des droits aux autres, on finira par altérer les droits de tout le monde ! Si on conditionne les APL à la nationalité, à la durée du séjour, à la régularité du séjour, au travail, on finira par ne plus verser les APL qu'aux Français qui travaillent. Cette tendance très délétère, qui consiste à chercher des boucs émissaires au lieu de régler les problèmes, va se retourner contre tout le monde. Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec le vote de la loi « immigration ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion