Intervention de Manuel Domergue

Séance en hémicycle du mercredi 17 janvier 2024 à 21h30
Le sans-abrisme réceptacle des échecs des politiques publiques

Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre :

S'agissant de ces moyens que l'on dit inédits, tout dépend de la perspective que l'on adopte. Bien évidemment, les quelques dizaines de millions d'euros supplémentaires chaque année pour le plan « logement d'abord » sont utiles. L'annonce de 120 millions d'euros en plus pour le logement est une bonne nouvelle. Je reconnais également que le nombre de places en hébergement d'urgence a augmenté, notamment durant la crise sanitaire puisque 40 000 places ont été créées. Des moyens ont bel et bien été débloqués. Mais si on analyse la politique du logement dans son ensemble, c'est la dégringolade ! Et je ne vous parle pas de millions mais de milliards !

En 2010, les collectivités territoriales, l'État et Action logement consacraient 2,2 % du PIB à la politique du logement. Cette part a chuté à 1,5 % du PIB. C'est vertigineux. Le secteur du logement a perdu 15 milliards d'euros d'argent public ! Bien sûr, on peut toujours essayer de réparer les dégâts en votant des dispositifs, en menant des expérimentations, mais cela ne suffira jamais à compenser la perte d'autant d'argent public pour le logement.

C'est un débat politique de fond : a-t-on besoin d'une intervention publique plus forte pour le logement ? Dans l'esprit d'Emmanuel Macron, les besoins ne sont pas si importants – c'est aussi l'opinion de tout un pan de l'État. Ils s'appuient sur les projections démographiques et le nombre de logements vacants pour affirmer que le besoin de nouveaux logements, en particulier de logements sociaux, n'est pas si criant. Lors du lancement du volet logement du Conseil national de la refondation, animé par Nexity et la Fondation Abbé Pierre, tous les acteurs du logement, jusqu'à ceux qui en étaient le plus éloignés, avaient donné l'alerte.

Le Président de la République s'est contenté de répondre, dans la presse, que le problème du logement en France tenait au manque de logements intermédiaires. Ce diagnostic était complètement à côté de la plaque ! Et donc, le Gouvernement a consenti quelques efforts pour construire du logement intermédiaire, c'est-à-dire du logement un peu en dessous du prix du marché, mais pour des cadres ou des classes moyennes supérieures. Il y a un vrai problème d'orientation financière et de priorité sociale pour le logement social et pour les personnes qui en ont le plus besoin.

Vous l'avez souligné, les personnes qui attendent un logement sont parfois caricaturées. La tendance est de nier l'existence d'un problème de logement. On dira, pour les personnes en situation irrégulière, qu'elles n'ont pas de papier – ce qu'a fait le Président de la République hier. Pour les autres, qu'il leur manque la capacité à habiter, qu'elles ne sont pas prêtes au logement. La philosophie du logement d'abord est censée contredire ces clichés : toute personne peut habiter un logement. Il n'est pas possible de prédire si le relogement va échouer ou non. Si c'est bien fait, avec des loyers abordables et de l'accompagnement, cela fonctionne dans la grande majorité des cas. C'est d'autant plus intéressant que l'on constate rapidement que des milliers de personnes hébergées sont prêtes à occuper un logement, y compris à en payer le loyer. Simplement, il manque de logements très sociaux. Nous devons sortir des clichés et construire des logements.

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