Intervention de Manuel Domergue

Séance en hémicycle du mercredi 17 janvier 2024 à 21h30
Le sans-abrisme réceptacle des échecs des politiques publiques

Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre :

La situation des femmes enceintes ou avec des nouveau-nés nous inquiète depuis des années, notamment en Seine-Saint-Denis où se situe l'hôpital Delafontaine. Des places dédiées à ces personnes ont été ouvertes mais en nombre très insuffisant. Je ne dispose pas de chiffres à l'échelle nationale quant au nombre de femmes qui se retrouvent dans ce cas, car le suivi en est difficile.

Comme chaque année, le plan Grand froid a été déclenché, ce qui est heureux, mais il est regrettable que nous en soyons encore à dépendre d'une politique du thermomètre malgré toutes les promesses d'en sortir. Tant mieux si l'on peut ouvrir en catastrophe des gymnases et d'autres locaux mais il est désespérant d'attendre que les températures descendent sous zéro ! On parle beaucoup des personnes qui meurent de froid dans la rue car c'est extrêmement choquant. Cependant, le collectif Les morts de la rue l'a rappelé, environ 700 personnes meurent chaque année de la rue, et en toute saison. Le froid ajoute une difficulté supplémentaire, il n'est pas le facteur le plus grave.

Il est choquant de dénombrer 3 millions de logements vacants, sans parler d'autres locaux vacants, alors que le manque de logements est criant. À la Fondation Abbé Pierre, nous sommes favorables aux réquisitions qui peuvent constituer des solutions rapides. Cependant, il ne faut pas en faire l'alpha et l'oméga d'une politique du logement et de résorption du sans-abrisme, car la réquisition des logements est juridiquement complexe et suppose leur identification. Il faut financer, le cas échéant, des remises en état et se préparer à faire face à des contentieux. Enfin, ces solutions ne sont que provisoires : les réquisitions sont temporaires, ce ne sont pas des expropriations.

Même entre 2012 et 2014, où la volonté de procéder à des réquisitions était bien réelle, il a été très difficile d'en obtenir. En menant une politique au long cours, qui nous permettrait en particulier de mieux identifier les locaux, nous aurions peut-être davantage de chance de réussir, mais cette mesure resterait, quoi qu'il en soit, l'ultime recours. Avant de se résoudre à déclencher cette sorte d'arme atomique contre les propriétaires qui se refuseraient à mettre à disposition leur logement ou à le vendre, il faut augmenter la taxe sur les logements vacants, faciliter la mise à disposition aux associations de logements en intermédiation locative et renforcer la communication pour convaincre les propriétaires. Ce n'est qu'au cas où ceux-ci s'obstineraient dans leur refus que nous pourrions réquisitionner leur logement. N'oublions pas non plus les immeubles entiers de bureaux vides, plus faciles à repérer et à mobiliser.

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