Intervention de Éric Florès

Réunion du jeudi 16 novembre 2023 à 9h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Éric Florès, contrôleur général, directeur départemental, SDIS de l'Hérault :

Entre le littoral méditerranéen, les départements corses et l'ancienne région Midi-Pyrénées, la zone de défense Sud comprend différentes typologies territoriales. Elle se caractérise par l'arrivée d'un million de vacanciers chaque été, soit un quasiment doublement de la population qui touche non plus seulement le littoral mais aussi, désormais, l'arrière-pays. Le risque de feu de forêt atteint son paroxysme à la même période, tandis que nos sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires, souhaitent eux aussi partir en vacances. Entre la baisse de leur disponibilité et la hausse du nombre d'interventions, nous subissons un effet ciseau qui me semble être très caractéristique de notre activité. En outre, à la fin de la saison des feux de forêt, le département de l'Hérault est touché par les épisodes cévenols et méditerranéens. C'est ainsi celui qui a connu le plus grand nombre de mises en vigilance rouge depuis la création de cette alerte par Météo France.

Le SDIS de l'Hérault est un gros service de première catégorie : il compte 900 sapeurs-pompiers professionnels, 4 000 volontaires et 230 personnels administratifs, pour un budget de 105 millions en fonctionnement et 40 millions en investissement. Pourtant, 80 % des personnels qui interviennent sur les feux de forêt sont des sapeurs-pompiers volontaires. C'est pourquoi notre maillage territorial, composé de soixante-dix centres de secours, est essentiel : il nous permet de conserver suffisamment de sapeurs-pompiers disponibles pendant les congés d'été, et rend possible notre engagement opérationnel à la fois contre les feux de forêt et contre les épisodes cévenols.

Paradoxalement, c'est grâce au secours d'urgence aux personnes que vivent un certain nombre de nos centres de secours l'hiver, faute d'autre activité. Je partage entièrement les propos tenus par mes collègues au sujet du sens des missions. Cependant, dès lors qu'elles relèvent bien de l'urgence, les interventions de Suap sont bienvenues pour ces centres, car sans elles, certains pompiers s'interrogeraient sur l'opportunité de rester et nous manquerions de ressources l'été. En outre, la population a besoin de nous : compte tenu des fermetures de services publics dans les zones rurales, seul le volontariat permet de conserver un maillage de services de secours. Avec les infirmiers sapeurs-pompiers protocolés, qui sont très importants dans nos territoires, nous sommes en mesure d'apporter une réponse paramédicale.

J'insiste, nous apprenons parfois la fermeture du jour au lendemain d'un service d'urgence. Nous la subissons, en ayant l'impression que tout le monde a le droit de fermer en France, sauf nous – car si nous posons la question, on nous explique que nous, nous sommes indispensables. Pourquoi ne le dit-on pas aux autres ? Je comprends les arguments qui conduisent à fermer, pour raison de sécurité, des maternités qui ne réalisent pas plus de 200 ou 300 accouchements par an – parce que pour être bon, il faut pratiquer souvent. Mais alors, qui viendra réaliser les accouchements à domicile à deux heures du matin ? Les sapeurs-pompiers du centre de secours, qui sont très loin des 200 accouchements par an ! Personne ne se demande qui assurera les missions d'un service public qui ferme.

Le sujet du financement, enfin, est fondamental. Le dérèglement climatique rend d'autant plus prégnants les risques auxquels nous sommes confrontés. Lorsque j'ai commencé en tant que volontaire à l'âge de 17 ans, la saison des feux de forêt commençait le 14 juillet pour se terminer avec les premiers orages de la fin du mois d'août. Désormais, elle peut commencer dès le 1er mai, comme cette année, pour s'achever en novembre. Quant aux inondations liées aux épisodes cévenols, les dernières sont arrivées le 1er janvier, à Béziers, alors qu'elles survenaient autrefois fin août. Le dérèglement climatique est bien réel et nous impose de nous adapter. Le nombre de missions explose et nos concitoyens ont besoin, à juste titre, de services publics qui soient présents pour eux.

Le financement doit donc être adapté en conséquence. La révision de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, au sujet de laquelle l'association Départements de France a lancé une discussion, est un vrai sujet. La notion de « valeur du sauvé », qui se développe dans un nombre croissant de SDIS, nous permet de mettre en perspective notre action, entre nos financements et la valeur de ce que nous sauvons. Globalement, j'ai le sentiment que le système actuel touche à sa fin et qu'il va falloir réfléchir aux effets de l'absence de liberté financière des collectivités mères – communes, établissements publics de coopération intercommunale et départements – dont les ressources n'évoluent pas, alors que le nombre d'interventions de secours explose.

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