Intervention de Sébastien Delavoux

Réunion du jeudi 16 novembre 2023 à 9h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Sébastien Delavoux, animateur du collectif CGT des agents des services départementaux d'incendie et de secours :

Cette table ronde sera sans doute la moins « rassuriste » de toutes celles que vous avez organisées.

Notre système de sécurité civile n'est pas unique, puisqu'il compte environ treize équivalents en Europe, mais il se caractérise par deux particularités : une charge de travail supérieure à celle des autres pays et un coût inférieur. Malgré certaines manifestations d'autosatisfaction, il ne garantit plus au quotidien l'égalité de nos concitoyens en matière de secours d'urgence. Le seul indicateur, d'ailleurs modérément fiable, montre une augmentation de plus de 2 minutes du délai moyen de présentation du premier engin entre 2014 et 2020. Personne ne garantit qu'il s'agit du bon engin, que son équipement est complet et que son équipage dispose des compétences adéquates. Le volume urbain, très important sur de petites distances, ne permet plus d'égaler les actions que nous menons dans les milieux les plus ruraux.

Deux explications à cela : la baisse de la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires, ou de notre capacité à nous en saisir ; le budget des SDIS, dont l'équilibre en 2024 est encore incertain.

À propos de budget, j'ai entendu, au cours des auditions précédentes, trois affirmations que je tiens à rectifier. Tout d'abord, dire que l'État ne participerait qu'à hauteur de 10 % au budget de la sécurité civile revient à minorer beaucoup les chiffres. Ensuite, il est évidemment faux que toute la TSCA perçue par les conseils départementaux n'est pas reversée aux SDIS, car les flux de TSCA qui parviennent dans les conseils départementaux ne sont pas normés : chaque euro de TSCA touché par les conseils départementaux finit bien dans les budgets des SDIS, même si c'est insuffisant. Quant à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, son audition n'a pas évoqué le référé de la Cour des comptes de 2019, qui disait des choses très différentes de celles qui vous ont été dites ici.

Il faudrait se souvenir qu'en 2002, la participation du bloc communal était très différente d'un département à l'autre, par exemple entre le Loiret et l'Essonne. Ainsi, lorsque le conseil départemental a dû augmenter sa participation, il n'a parfois fait que rattraper celle du bloc communal. Lever l'interdiction d'augmenter la participation du bloc communal est parfaitement possible dans certains cas où les communes ne participent qu'à la marge, alors que, dans d'autres cas, ce sont encore elles qui continuent à assumer la majorité du financement des SDIS.

Quant aux concours, leur organisation se heurte d'abord à un problème démographique : alors que l'armée et la brigade de sapeurs-pompiers de Paris font de la publicité pour recruter, nos concours font l'objet de très peu de promotion. Sur un segment qui tend à se rétrécir, nous sommes donc en concurrence avec des institutions qui n'ont pas les mêmes armes que nous. Alors que la première épreuve du concours se déroulera le 21 novembre, la fin des inscriptions était, dans certaines zones, fixée au 15 février, si bien que, faute d'information, les candidats qui ne sont pas du sérail ne pouvaient pas s'inscrire. Nous verrons bien si nous avons assez d'inscrits pour atteindre le nombre de lauréats attendu, mais cette situation devrait tous nous interroger. La décorrélation des deux dates vise évidemment à diminuer le coût de l'organisation des concours, mais cela nous sera bientôt préjudiciable.

À l'issue du concours, le nombre d'inscrits sur les listes est lui aussi décorrélé du nombre de postes ouverts immédiatement ou ultérieurement. Lorsqu'on dit aux gens qui sont inscrits sur une liste qu'il faudra quatre ans pour que tous les postes correspondants soient ouverts, le délai est trop long : les lauréats se lassent et peuvent avoir des accidents de la vie ou choisir des employeurs qui leur proposent un emploi à une date ferme. À la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, si on vient avec son sac à la date prévue, on est recruté, tandis que, chez nous, on couche les noms des lauréats sur des listes et on laisse chacun d'entre eux écrire aux différents établissements, au risque de s'entendre répondre que le recrutement vient de s'achever et qu'ils sont invités à se porter candidats l'année suivante. Cela crée un sentiment pénible chez des gens à qui on n'a pas toujours expliqué le fonctionnement de la fonction publique territoriale.

Depuis 2013, nous alertons le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et les services organisateurs – car nous sommes tous co-organisateurs. De fait, les directeurs se plaignent que les lauréats ne sont pas à la hauteur, mais ce sont eux qui les choisissent.

Le suivi des listes de lauréats est très mauvais : le fait qu'un an et demi après l'établissement de ces listes, on ne soit plus capable de contacter les personnes qui y figurent ou qu'elles ne soient plus candidates signifie bien que nous devons progresser en matière d'organisation de concours, a fortiori au vu du coût des lauréats – 8 000 euros en Île-de-France ! Tout est faussé : nous inscrivons sur les listes des personnes qu'on ne recrute finalement pas, parce que nous tardons trop à le faire ou parce que les postes n'existent pas.

Je m'arrêterai là, mais nous pourrions aussi parler de l'attractivité du métier et de son sens.

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