Intervention de Laurence Heydel Grillere

Réunion du jeudi 14 décembre 2023 à 10h05
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Heydel Grillere :

Merci pour le travail qui a été réalisé pour ce rapport, dont je regrette de ne pas avoir pu prendre connaissance avant aujourd'hui. Je salue votre tentative d'aboutir à un document que nous pourrions soutenir.

J'ai cependant plusieurs interrogations et regrets, notamment sur la partie consacrée aux impacts sur l'environnement.

À la lecture du rapport, on a l'impression que les pratiques agricoles sont les seules responsables de la dégradation. C'est totalement faux. Nous savons tous, et les scientifiques que nous avons auditionnés en juillet l'ont dit, que l'état de l'environnement est le résultat des divers usages des trente ou quarante dernières années, lesquels n'étaient pas tous agricoles – pensons aux particuliers, à Réseau ferré de France, aux sociétés d'autoroute, ou encore aux collectivités. Je regrette donc la mise en cause implicite et exclusive du monde agricole.

Ensuite, je déplore que l'usage de produits phytosanitaires par d'autres secteurs d'activité ne soit pas davantage mis en avant. Je suis intervenue à plusieurs reprises sur le sujet et je connais d'avance votre réponse. Je sais bien que l'objet de la commission était la réduction de l'usage des produits phytosanitaires par le monde agricole. Cependant, dès lors que l'on fait le lien entre la qualité de l'environnement et la santé, on ne peut pas s'en tenir au monde agricole. Le président l'a dit, le remplacement du glyphosate par la SNCF n'a aucun effet positif, ni sur l'environnement, ni sur la santé.

Ce parti pris du rapport, qui peut sans doute être atténué, me dérange fortement car cela revient à pointer du doigt une partie de la population qui ne mérite pas d'être traitée ainsi. Nous partageons tous l'objectif de réduire la pollution de l'environnement et ses impacts sur la santé, mais il ne peut pas être circonscrit au monde agricole. Il est impératif de prendre conscience que les actes passés de tout un chacun sont à l'origine de la dégradation de l'environnement.

Quant aux propositions, la taxation doit-elle s'appliquer à l'ensemble des produits concernés ? Le rapporteur emploie tantôt le terme de « produits phytosanitaires », tantôt celui de « pesticides ». Or, contrairement à ce que croit le grand public, ce ne sont pas des termes équivalents : les pesticides mêlent produits phytosanitaires et biocides. Cette différence subtile a de lourdes implications dans le rapport : envisage-t-on la taxation des biocides ou des produits phytosanitaires utilisés dans les campagnes de désinsectisation ou dératisation ? Le rapport ne répond pas à ces questions. Il faut absolument préciser les produits visés pour aller au bout du raisonnement.

Par ailleurs, peut-être le mot apparaît-il dans le rapport mais dans l'ensemble des interventions de ce matin, à aucun moment je n'ai entendu parler du consommateur. C'est pourtant lui qui décide de ses achats. Chacun est-il sûr d'avoir mangé au petit-déjeuner des produits qui ne contenaient aucun phytosanitaire ? Il est très regrettable qu'un rapport qui s'intéresse à la protection de la santé et à la maîtrise des pollutions de l'environnement passe sous silence la responsabilité du consommateur dans le choix des produits qu'il achète.

Je déplore que ce rapport ait été écrit à charge. Peut-être n'était-ce pas le but, mais c'est comme cela qu'il m'apparaît.

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