Intervention de Jonathan Delisle

Réunion du jeudi 9 novembre 2023 à 15h30
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Jonathan Delisle, président des transports Delisle :

Je vous remercie également d'avoir invité le groupe Delisle. Nous sommes une société familiale fondée en 1977 et située à La Ferté-Gaucher, en Seine-et-Marne, à l'extrême est de la région Île-de-France. Nous sommes aujourd'hui implantés sur vingt-cinq sites en France et nous comptons environ 1 500 salariés, dont 1 100 conducteurs routiers. Notre expérience dans le rail est relativement récente : nous avons lancé notre premier conteneur-citerne il y a quatre ans à la demande d'un de nos clients. Il y a quinze ou vingt ans, nous n'étions pas nécessairement convaincus du développement futur du rail, mais notre perspective s'est aujourd'hui totalement inversée. Nous parlons bien sûr de transition énergétique et le transport combiné rail-route constitue l'une des solutions pour décarboner les transports. Outre les avantages en matière de transition énergétique, nous considérons également les questions de sécurité, car un train, comparé à un camion sur la route, représente moins de danger pour les usagers. De plus, la déformation des chaussées représente un coût non négligeable, sachant que le bitume est fabriqué à base pétrole. Nous considérons enfin les problèmes d'embouteillages.

J'aimerais également ajouter l'aspect social, car nous faisons face aujourd'hui à une pénurie de conducteurs, bien que nous en souffrions en moindre mesure pour le moment en raison d'une activité quelque peu ralentie. Cependant, l'activité reprendra d'ici un an et la pénurie sera de nouveau à l'ordre du jour, car aucune amélioration n'est attendue avant la fin de la décennie. De plus, nous faisons face à un effet sociétal : les salariés, y compris les conducteurs routiers, aspirent à plus de temps libre et à une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Pour un conducteur routier longue distance qui passe quatre à cinq nuits par semaine dans son camion, le transport combiné présente des avantages. En plaçant les camions sur le train, ou du moins les remorques sur le train, un seul conducteur transborde au chargement et récupère en sortie, ce qui diminue très fortement le nombre de découches. Ces éléments peuvent donc rendre plus attractif le métier de conducteur routier.

Nous tentons de développer ce mode de transport et nos clients nous poussent en ce sens, car ils sont également contraints de décarboner leur chaîne logistique. Malheureusement, il existe encore des points négatifs, notamment en ce qui concerne la fiabilité, les temps de transport et les interruptions possibles du train. Par exemple, en cas de tempêtes ou d'évènements sociaux, le trafic des lignes peut être perturbé – mais ces problèmes ne sont pas insurmontables de mon point de vue. Le dernier problème concerne la saturation des gares multimodales. Par exemple, nous travaillons avec les gares de Valenton et de Noisy-le-Sec et celles-ci sont complètement saturées, sans oublier la congestion du trafic routier qui achemine vers ces gares.

Je pense qu'une stratégie devrait considérer l'implantation de gares multimodales en grande périphérie des agglomérations. Par exemple, nous sommes à 80 kilomètres de Paris et avons acquis une friche industrielle de près de 10 hectares à La Ferté-Gaucher. Nous avons un embranchement ferroviaire au pied de l'usine et une ancienne voie ferrée reliait autrefois Paris à La Ferté-Gaucher, mais malheureusement, le tronçon entre Coulommiers et La Ferté-Gaucher a été suspendu il y a vingt ans. La mairie, quelques acteurs locaux et le groupe Delisle militent pour qu'une étude soit menée pour la réhabilitation de cette ligne, qui pourrait avoir du sens à la fois pour les voyageurs, en répondant à la demande locale, et potentiellement pour le fret ferroviaire, ce qui optimiserait la ligne et rendrait son exploitation ainsi que son entretien plus rentables. Cependant, nous faisons face à un obstacle politique, car un membre du Gouvernement, ancien maire de Coulommiers, s'oppose fortement au retour du rail entre Coulommiers et La Ferté-Gaucher. Nous sommes un peu bloqués, ce qui est dommage car nous entendons en même temps les annonces favorables au sujet du développement du fret ferroviaire du Gouvernement, du Président de la République, de la Première ministre et du ministre des transports. Cependant, au niveau local, nous faisons face à des refus, notamment de la part des communautés communes et de la région Île-de-France, qui n'a même pas envisagé l'idée de réaliser une nouvelle étude. Elle se fonde sur une étude datant de 2011, époque à laquelle nous n'avions pas les mêmes enjeux de transition énergétique. Les petites lignes permettraient pourtant de décongestionner les gares de la région parisienne qui sont saturées et, par conséquent, d'améliorer les flux.

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