Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2023 à 21h30
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

…et les pauvres toujours plus pauvres et plus nombreux ! Mais à force de jouer à cela, il est en train de faire vaciller le pacte social français qui repose sur le consentement à l'impôt, et qui garantit une forte protection des travailleurs et des services publics forts et présents partout sur le territoire.

Favoriser les riches, c'est d'ailleurs l'essence de la politique fiscale menée depuis 2017 avec ce président. La suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la création de la flat tax étaient annonciatrices du reste : plus de 30 milliards d'euros de baisses d'impôts pour les entreprises, ainsi que la suppression de la taxe d'habitation qui a profité aux plus riches.

Le très bon rapport sur la fiscalité du patrimoine de mes collègues Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu a montré, s'il en était besoin, que notre pays est en train de basculer progressivement dans une société de rente et d'héritage. Les patrimoines se concentrent, se transmettent et décuplent de génération en génération. Cette concentration de richesse dans les mains de quelques-uns remet en cause notre pacte social, celui du consentement à l'impôt qui doit, selon les termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, respecter la capacité contributive de chacun. De cette attaque contre notre pacte social découle donc votre volonté d'affaiblir notre sécurité sociale.

En 2023, vous vous êtes attaqués au droit au chômage et, par là même, aux chômeurs : accuser les personnes privées d'emplois est tellement plus efficace pour mettre en concurrence les plus pauvres ! En 2023, vous vous êtes attaqués au droit à la retraite, en augmentant l'âge de départ : culpabiliser les salariés sur le sort de la sécurité sociale est tellement plus simple que de faire des choix budgétaires courageux qui permettraient que les salariés partent à 60 ans ! En 2023, vous avez refusé de vous attaquer aux déserts médicaux et d'améliorer notre système de soin, avec des riches qui peuvent se soigner et des pauvres qui y renoncent. En 2024, vous poursuivez votre travail en affichant fièrement 16 milliards d'euros d'économie, afin de satisfaire la Commission européenne et les agences de notation que Bruno Le Maire chouchoute tant.

Pour y arriver, il va falloir continuer à rogner, quitte à dégrader encore un peu plus les services publics. Ce n'est pas anodin, car vous dégradez la troisième pièce de notre pacte social. L'Insee l'a démontré : en France, la moitié de la redistribution se fait en nature, c'est-à-dire grâce à l'accès aux services publics et à l'usage de ces derniers. Les dégrader, réduire leur maillage territorial, c'est appauvrir encore plus ceux dont ils constituent l'unique patrimoine. Lorsque vous refusez d'accroître significativement le budget consacré à l'éducation nationale pour améliorer les conditions d'enseignement ou la rémunération des professeurs, vous augmentez les inégalités sociales entre les jeunes, et vous faites un pont d'or aux écoles privées.

Lorsque vous refusez d'accroître les moyens pour l'hébergement d'urgence, alors que le nombre de places stagne depuis cinq ans, et que vous savez pertinemment que les crédits alloués ne permettent même pas d'atteindre le nombre de places budgétées, vous augmentez la fracture sociale. Vous n'avez même pas voulu conserver un modeste amendement du Sénat qui proposait à peine 6 000 places supplémentaires. Qu'est-ce que 6 000 places, alors que partout, dans les grandes villes, la crise sociale est visible, sous nos yeux ? En France, combien d'enfants vivent dans la rue ? Ils sont soixante-cinq au Havre.

Vous refusez d'améliorer le pouvoir d'achat, alors que l'inflation alimentaire atteint 20 %, et que, comme je l'ai constaté ce week-end, les dons aux associations de solidarité avant Noël sont plus faibles que les années précédentes ! Je ne parle même pas de l'inflation et de l'état des services publics dans nos outre-mer qui sont complètement laissés pour compte – nos collègues n'ont de cesse de vous le répéter mais vous n'entendez rien. Et que dire du sort de nos collectivités territoriales, qui sont pourtant, dans beaucoup de territoires, la dernière présence des services publics ?

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