Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 30 novembre 2023 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Monsieur Vallaud, vous avez dit deux inexactitudes. La première est que l'étude d'impact ne donnerait pas les raisons justifiant ces articles. Or, aux pages 146 et 147, on lit :

« Ainsi, en l'état actuel du droit, un étranger bénéficiant de la protection dite “quasi absolue” prévue à cet article ne peut être expulsé alors même que son comportement mettrait en évidence une particulière dangerosité à raison de condamnations pour des crimes ou délits touchant à l'intégrité des personnes et des biens, dès lors que ces agissements ne sont pas rattachables à l'un des trois types de comportements visés de façon exhaustive au premier alinéa de l'article. Cela a pour conséquence de maintenir sur le territoire français, une fois leur peine d'emprisonnement purgée, des ressortissants étrangers qui continuent de représenter une menace particulièrement grave pour l'ordre et la sécurité publics. Ce peut être le cas notamment de violeurs présentant un risque de récidive, de trafiquants de stupéfiants, d'auteurs de vol à main armée, ou encore d'assassins. Plusieurs exemples concrets permettent d'illustrer cette situation. » Je n'en citerai que trois :

Étranger entré en France à l'âge de 1 an et y résidant habituellement depuis plus de vingt ans, ayant commis treize faits de viol avec actes de torture et de barbarie, enlèvement et séquestration, pour lesquels il a été condamné à une peine de vingt ans de réclusion criminelle, dont l'évaluation met en évidence une absence de prise en compte de la gravité des faits et un nouveau passage à l'acte. Impossibilité de procéder à son expulsion.

Étranger résidant régulièrement en France depuis plus de vingt ans et ayant, dans une période de vingt ans, commis trente-huit viols et agressions sexuelles sur sa propre fille et les filles de ses compagnes successives, âgées de 3 à 11 ans au moment des faits. Ont en outre été découvertes sur son ordinateur plusieurs centaines d'images et vidéos mettant en scène des enfants dans des situations à caractère pédopornographie téléchargées par des logiciels. L'intéressé a été condamné à une peine de treize ans d'emprisonnement, assortie de mesures de suivi socio-judiciaire de cinq ans, l'évaluation post-peine ayant abouti à un risque de réitération. Cette personne ne peut être expulsée du territoire national.

Étranger résidant habituellement en France depuis l'âge de 13 ans, auteur, sur une période de plus de vingt ans, notamment de faits de violences volontaires trente-trois fois, avec ou sans la menace d'une arme, sans incapacité, vol et tentative de vol avec violence, violences volontaires sur agent des forces publiques, agressions sexuelles, menaces de mort, meurtre ayant pour objet la préparation d'un délit ou l'impunité de son auteur, vol aggravé par deux circonstances. Son quantum de peine s'élève à vingt-six ans. Impossibilité de procéder à son expulsion.

Je vous ai également fait parvenir quelques cas très concrets fournis par les préfets et dans lesquels le ministre de l'intérieur ne peut procéder à des expulsions, du fait de la loi.

La décision qu'il pourra désormais prendre ne sera toutefois pas sans recours et je prendrai mes responsabilités comme je le ferais dans le cas d'un étranger qui n'est pas arrivé avant l'âge de 13 ans. À l'heure actuelle, pour les mêmes faits, je peux l'expulser s'il est arrivé à 13 ans et demi, mais pas s'il est arrivé à moins de 13 ans, ce que personne ne comprend. Le juge jugera au nom du droit à la vie privée et familiale et mettra en balance, comme il le fait en matière de terrorisme, la dangerosité de la personne et sa vie privée et familiale. Au demeurant, pour une personne qui viole plusieurs fois sa propre fille et celles de ses compagnes successives, la notion de vie privée et familiale est un argument fragile. En tout cas, ça se plaide devant le juge.

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