Intervention de Chantal Jourdan

Réunion du mardi 21 novembre 2023 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Jourdan :

Madame la rapporteure, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter des retenues de substitution, dites méga-bassines, qui touchent un enjeu plus large et fondamental pour l'avenir, celui de l'accès à l'eau et son partage. Les raisons qui ont motivé la construction de ces bassines sont connues : dans un contexte d'épisodes réguliers de sécheresse, aggravés par le réchauffement climatique, les agriculteurs font face à d'importantes difficultés pour répondre aux besoins d'irrigation de leurs cultures. Or ces infrastructures soulèvent plusieurs questions et points problématiques.

Tout d'abord, elles centralisent d'énormes quantités d'eau à l'air libre, et les risques d'évaporation ou de contamination ne sont pas négligeables. En 2023, le BRGM est d'ailleurs revenu sur ses anciennes conclusions, indiquant ne pas avoir pris en compte les risques d'évaporation ni les évolutions climatiques, et expliquant qu'il serait important de le faire.

Ensuite, le pompage de l'eau directement dans les nappes phréatiques n'est pas sans conséquences. Selon Jean-François Soussana, vice-président de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), le stockage risque d'accentuer le niveau de réduction des nappes. Nous manquons de données sur les conséquences des méga-bassines sur le cycle de l'eau, les risques d'assèchement des cours et le niveau des nappes phréatiques. Des cas concrets ont montré que les études d'impact conduites en amont de certains projets avaient été défaillantes. La justice a relevé un manque de précision quant aux conséquences sur les nappes phréatiques et les rivières.

Enfin, ces infrastructures suscitent aussi des inquiétudes concernant le partage de l'eau et la création de situations d'accaparement.

La proposition de loi propose un moratoire de dix ans pour la délivrance d'autorisations de construction de méga-bassines, ce qui laisserait le temps d'ouvrir une réflexion scientifique afin de déterminer dans quelles conditions précises de tels ouvrages pourraient s'inscrire ou non dans une logique d'adaptation. Ce moratoire permettrait aussi d'activer toutes les solutions alternatives à ces infrastructures coûteuses : mobilisation des ouvrages existants et de taille modérée ; reforestation ; travail sur l'évolution des cultures très consommatrices en eau ; retour des prairies ; protection des haies, etc. Cela demande une volonté politique et surtout des moyens pour accompagner les agriculteurs. Voilà ce qui est primordial. Nous voterons pour cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion