Intervention de Thierry Coquil

Réunion du lundi 16 octobre 2023 à 10h30
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Thierry Coquil, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités :

En 2019, les aides aux péages s'élevaient à 98 millions d'euros. Elles sont passées à 89 millions d'euros en 2020, à 118 millions en 2021 et à 119 millions en 2022. La prévision pour l'année 2023 est de 126 millions d'euros. Cela progresse, mais tout dépend du montant des dépenses. Au total, l'effort qui consiste à passer de 130 à 330 millions d'euros est tout à fait important. De plus, il concerne tous les transporteurs, si bien que le cadre n'est pas contestable. On a changé logique par rapport à ce qui existait auparavant. Au lieu d'aider Fret SNCF, on aide des activités. C'est donc beaucoup plus stable.

La question de la discontinuité est apparue bien avant 2020 et 2021. Il y a eu des plaintes. En réalité, dès 2015, chacun avait compris qu'on allait rencontrer des difficultés. L'Autorité de régulation des transports (ART) avait refusé de valider le référentiel comptable. Un cadre a été mis en place en 2005 et une première transformation du groupe est intervenue à cette époque-là. La Commission européenne a donné un accord sur des aides à la restructuration. La dette s'élevait à 1,5 milliard d'euros. Elle a été en partie reprise par la SNCF et par l'État, à raison de 700 millions et 800 millions d'euros respectivement.

Le plan de restructuration de 2005, qui précédait l'ouverture à la concurrence, avait pour condition qu'il n'y ait plus d'aides d'État. Chacun espérait que cette restructuration contribue à remettre tout le système à flot. D'ailleurs, c'est là qu'a débuté la restructuration technique dont je parlais tout à l'heure. L'offre du wagon isolé a été réorganisée et limitée. Il y avait auparavant une offre sur mesure pour un certain nombre de trains spécifiques.

À partir de 2007, la SNCF a dû refaire des avances de trésorerie à Fret SNCF. L'Autorité de régulation des transports a commencé à poser des questions sur le référentiel comptable dès 2015. Une plainte de l'Association européenne du fret ferroviaire (ERFA) est intervenue en 2016, ce qui a constitué un premier coup de semonce. En 2017, il a été décidé de valider les règles comptables, qui ont été clarifiées au niveau de l'ART.

Une première notification a été faite aux autorités françaises. Les pouvoirs publics au plus haut niveau étaient donc tout à fait informés de ce qui se passait. La France a alors tenté de convaincre la Commission que la SNCF avait agi en investisseur avisé et que la dette qui avait été reprise par SNCF holding était bien identifiée dans ses contours et suivie comme une dette spécifique rattachée à Fret SNCF. L'EPIC SNCF portait l'argument que tout cela allait dans le sens de l'intérêt environnemental, qui était défendu par les textes européens.

Une nouvelle plainte est intervenue en 2018, ce qui a donné lieu à une deuxième notification des autorités françaises (NAF). C'était l'époque du nouveau pacte ferroviaire, avec la recapitalisation de Fret SNCF et tout le débat sur le port de la dette. Pour répondre à votre question, bien avant 2019 ou 2020, il y a eu une prise de conscience et un traitement administratif et politique de ce sujet, qui inquiétait bien évidemment au plus haut niveau.

L'étude du cabinet McKinsey de 2020 apparaît à un moment où il y a eu une nouvelle plainte. Le retour de la Commission laissait entendre que la transformation du groupe SNCF et la filialisation ne suffiraient pas à effacer le fait qu'elle avait reçu des financements pendant une dizaine d'années et que sa dette avait été reprise. Il est donc normal que l'État ait souhaité se doter d'une étude pour comprendre cette solution de discontinuité dont la Commission lui parlait. La Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM) avait déjà eu à connaître un traitement similaire. Il était assez logique de regarder les scénarios qui pouvaient apparaître.

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