Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 28 novembre 2023 à 15h00
Respect du droit international dans le secours des migrants en mer méditerranée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Mare nostrum : tel est le nom ancestral qu'ont donné à la mer Méditerranée les Romains, ceux-là mêmes qui après l'avoir pacifiée et soumis ses rivages y faisaient sillonner par milliers leurs bateaux marchands pour faire commerce. Aujourd'hui, « notre mer » n'est pas seulement celle des bateaux de commerce ou de plaisance, c'est aussi celle des passeurs et des quelque 2 500 cadavres de migrants qui jonchent ses abysses, rien que pour cette année.

Ces drames n'arrêtent en rien la macabre et juteuse traite des migrants, qui embarquent par centaines dans des conditions inhumaines sur des rafiots de fortune en provenance de Turquie ou d'Afrique du Nord, pour tenter de rejoindre les côtes européennes au péril de leur vie.

Les passeurs, esclavagistes des temps modernes, se remplissent les poches avec des traversées vendues à prix d'or, parfois jusqu'à 6 000 dollars. Malheureusement, ces crimes se perpétuent main dans la main avec certaines ONG qui, engluées dans leur idéologie mortifère, n'hésitent pas à braver le droit international, méprisant par la même occasion la situation sanitaire et humanitaire des passagers pour les faire traverser coûte que coûte vers l'Europe, eldorado de l'immigration.

C'est ce que nous révèle l'autopsie du débarquement de l'Ocean Viking, le 11 novembre 2022, qui n'est autre qu'un échec sécuritaire, judiciaire et administratif.

Un échec sécuritaire d'abord, car parmi les 230 migrants accueillis sur notre sol, au moins trois présentaient un profil à risque, au point d'être fichés S par la suite. Il est dommage qu'entre-temps nous ayons perdu leur trace. Mais, qui sait, de malheureux faits divers nous permettront peut-être de les retrouver…

Un échec judiciaire ensuite, car les juges des libertés et de la détention (JLD) ont refusé le maintien des migrants dans la zone internationale d'attente créée pour leur arrivée. La décision de les libérer a été prise dans plus d'une centaine de dossiers, pour lesquels le parquet et la préfecture du Var ont fait appel, estimant que le grand nombre de saisines concomitantes aurait dû permettre aux juges de repousser leurs décisions de vingt-quatre heures. C'est un délai nécessaire car, lorsqu'il est écoulé, les migrants sont libres de partir, passant ainsi entre les mailles des vérifications essentielles et sécuritaires les plus élémentaires.

Un échec administratif enfin, car selon les autorités judiciaires, il suffit qu'une vingtaine de migrants arrivent en même temps et que leurs dossiers soient examinés pour que le tribunal administratif de Toulon se retrouve dépassé et incapable de faire face à la situation.

Sur les dizaines de cas à examiner, un seul a pu être traité dans les délais légaux de vingt-quatre heures. Ce triple naufrage aurait pu être évité si l'Ocean Viking n'avait pas défié les règles les plus élémentaires du droit de la mer qui, fort d'au moins trois conventions internationales, celle des Nations unie relative au droit de la mer, celle concernant la recherche et le sauvetage maritime de 1979, ou encore celle pour la sauvegarde de la vie humaine en mer de 1974, auraient dû conduire le navire à se diriger vers le port le plus proche, en l'occurrence en Tunisie et non en Italie, puis en France.

Embourbée entre la nécessité de faire appliquer le droit international et celle de secourir des migrants dont l'état de santé commençait à inquiéter, la France a cédé. Ou plutôt, Emmanuel Macron a cédé. Créant au passage, comme l'indique très bien la proposition de résolution dont nous discutons, un précédent dont les conséquences humanitaires, sécuritaires et politiques sont catastrophiques.

Parce que l'inaction ne peut être notre réponse, je souscris des deux mains à cette proposition de résolution. D'une part, parce qu'elle envoie un message clair aux passeurs : vous êtes des trafiquants de mort, des criminels qui sévissez contre l'humanité et vous allez être traités comme tels. Sans pitié. Sans compromission. Mais aussi parce qu'elle invite le Gouvernement français à rejoindre l'initiative commune de l'Italie, la Grèce, Chypre et Malte, pour amener l'Union européenne à mieux encadrer l'activité des ONG en mer Méditerranée.

Parce qu'elle engage aussi le Gouvernement à demander de confier à la seule agence Frontex le soin de recueillir les migrants en détresse en Méditerranée et d'administrer des hotspots hors territoire de l'Union européenne, pour traiter en exclusivité les demandes d'asile des migrants.

Enfin, parce qu'elle engage la France à demander à l'Union européenne de conditionner l'aide au développement aux pays membres de l'Union africaine à leur coopération en matière migratoire. Ce sont autant de mesures de bon sens qu'il est, je crois, plus que temps de faire nôtres.

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