Intervention de Jean-François Coulomme

Réunion du lundi 20 novembre 2023 à 21h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Coulomme :

Comme vous l'avez rappelé en introduction de votre rapport, il s'agit ici d'un engagement présidentiel, donc sacré. On voit concrètement comment le président Macron compte sauver les communes de leurs besoins de financement : par les jeux d'argent et de hasard. Le Sénat et l'Assemblée nationale sont mobilisés autour d'une loi de circonstance pour satisfaire les sponsors de la Macronie et pallier les défaillances de l'État en matière de financement des collectivités locales. Il s'agit aujourd'hui d'une dérogation pour les hippodromes, mais pourquoi pas, demain, pour les communes productrices de nougat ou de boules de pétanque ?

Aujourd'hui, Saumur et Arnac-Pompadour – ça ne s'invente pas ! –, et demain tous les chefs-lieux de canton seront candidats à votre politique d'État corrompu, qui consiste, à défaut de politique fiscale de redistribution juste, à offrir du pain rassis et des jeux.

Non, madame la ministre déléguée, nous ne voulons pas convertir nos territoires en tripots et en dealers d'espoirs de gains à la petite semaine. L'addiction aux jeux, comme l'addiction aux stupéfiants et à l'alcool et comme tout autre comportement addictif, est un enjeu de santé publique et de cohésion sociale. En 2020, Santé publique France estimait que le nombre de Français fortement dépendants au jeu avait doublé en cinq ans.

C'est dans ce contexte d'asservissement aux jeux d'argent que les sénateurs Les Républicains ont proposé une loi pour permettre l'ouverture de nouveaux casinos. Rappelons que l'existence de casinos est une exception au principe de prohibition des jeux d'argent et de hasard, notamment avec la loi Évin, en raison précisément de la nécessaire protection de la santé, et en particulier de celle des mineurs. L'ouverture de casinos est donc aujourd'hui limitée à certaines communes.

Nous avons aujourd'hui en France 203 casinos sur le territoire, ce qui représente déjà 40 % du parc européen. Ainsi, les auteurs de cette proposition de loi considèrent que la législation actuelle serait à l'origine d'inégalités territoriales non justifiées. C'est prétendument pour pallier ces inégalités qu'ils souhaitent étendre la possibilité d'implanter des casinos dans des départements ruraux du centre de la France qui ont développé une activité touristique en lien avec l'équitation, ce qui concerne seulement deux communes. Par coïncidence, en 2019, l'une d'elles avait déjà reçu la promesse de la part de Macron de permettre la création d'un casino. Durant son examen au Sénat, son champ d'application a été opportunément élargi, ouvrant donc la voie à la multiplication des dérogations et à la libéralisation totale des conditions d'ouverture de casinos.

Premièrement, l'argument des inégalités territoriales est fallacieux, puisque celles-ci perdureraient dans bien d'autres domaines, avec de plus grands impacts sur les personnes et l'accès aux services publics, par exemple, pour les communes qui ne remplissent pas les conditions de cette proposition de loi.

Deuxièmement, il y a un réel enjeu en termes de santé publique, puisque les joueurs dépendants au jeu représentent 76 % du chiffre d'affaires des casinos, selon l'association Addictions France, qui considère que, si une telle loi était adoptée, elle augmenterait automatiquement le nombre de joueurs problématiques, au détriment de la santé publique et des familles, qui endurent jusqu'à l'explosion les effets de la dépendance de l'un de leurs membres.

Troisièmement, les rédacteurs du texte usent de l'argument du financement des communes, ce qui est d'une profonde mauvaise foi. Il est inacceptable de compenser la baisse des dotations aux collectivités par le développement de casinos représentant un danger de santé publique et encourageant les pratiques addictives. Il serait obscène, pour un parti qui a refusé d'indexer la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation, de soutenir une telle logique par l'argument du financement des communes.

Nous espérons, madame la ministre déléguée, que la santé publique passera pour une fois avant cet ultralibéralisme de votre politique qui veut faire de la France un casino géant, et nous proposerons à cet effet un amendement de suppression pour nous débarrasser de cette loi complètement inadaptée aux besoins des collectivités territoriales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion