Intervention de Christophe Clergeau

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 16h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Christophe Clergeau, membre de la commission de l'agriculture et du développement durable (S&D) :

J'encourage à mon tour le dialogue permanent entre les parlements nationaux et européen.

La France est l'un des pays les moins bien classés s'agissant des volumes des produits phytosanitaires commercialisés. Les données d'Eurostat montrent qu'entre 2011 et 2020, ces volumes ont augmenté dans seulement seuls cinq pays dont la France, précédée par l'Allemagne, l'Autriche et la Lituanie. Or nous sommes le premier marché européen.

Le règlement SUR en cours de discussion au Parlement européen avance, même s'il est loin d'être définitivement adopté. L'ambition est forte. Seul élu socialiste à siéger à la fois à la commission de l'agriculture et à celle de l'environnement, je suis attaché à trouver des chemins de transition pour l'agriculture. Mon rôle consiste à faire entendre la voix des réalités économiques et territoriales de l'agriculture dans la commission de l'environnement, et à éviter le blocage corporatiste dans la commission de l'agriculture. En l'occurrence, le chemin que prend le texte SUR dans la commission de l'environnement est celui du maintien de l'objectif de baisse à hauteur de 50 % pour tous les pesticides et de 65 % pour les plus dangereux à horizon 2030, et de la réaffirmation de l'objectif de 25 % d'agriculture biologique, étant entendu que celle-ci est l'un des leviers de la réduction des pesticides.

Ce texte étant un règlement, il s'imposera au cadre national, y compris celui dans lequel la PAC s'applique en France. Il faudra donc nécessairement revoir le plan stratégique national (PSN), en se demandant en quoi il permet d'accompagner les agriculteurs pour atteindre les objectifs qui seront fixés par la future législation européenne. La Commission et l'Autorité environnementale ont souligné le manque d'ambition du PSN français, avec un faible engagement pour l'agriculture biologique – une faiblesse récemment confirmée par les réductions de niveaux de soutien –, un système d'écorégime particulièrement laxiste – la grande majorité des agriculteurs peut accéder au premier niveau sans faire évoluer ses pratiques – et des mesures agri-environnementales insuffisantes et ne permettant pas de répondre aux demandes.

Je ne suis député européen que depuis quelques mois, ayant pris la suite d'Éric Andrieu, et je ne suis pas spécialiste de la manière dont les plans Écophyto ont été conduits en France. Pour autant, je vois que le PSN français n'est pas adapté aux objectifs fixés par SUR. Un élément positif est toutefois à noter dans la pratique française : le travail consacré aux restrictions d'usage et à l'adaptation de l'utilisation des pesticides aux réalités agronomiques. Les travaux menés par l'Inrae, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, sont intéressants et représentent un accélérateur potentiel de la réduction de l'usage des pesticides.

S'agissant de la connaissance et de l'évaluation des risques liés aux produits phytopharmaceutiques et aux pesticides, j'ai été étonné d'entendre le directeur général de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) indiquer qu'il ne comprenait pas comment la question des pesticides pouvait être aussi haut dans l'agenda politique de l'Union européenne, tandis que les moyens mobilisés par l'Europe pour analyser les risques et renforcer les ressources de son agence étaient aussi bas. Le besoin de recherche concerne à la fois les risques et le développement d'alternatives. Le débat récent sur le glyphosate l'a démontré : le fait que l'EFSA soit en situation d'échec pour analyser les risques associés à cette substance doit nous interpeller. A contrario, en France, les travaux de l'Inrae portant sur les alternatives aux pesticides ont montré que des chemins sont possibles et accessibles aux agriculteurs pour autant qu'ils soient accompagnés dans leur changement de pratiques et de techniques. Cet effort français mériterait d'être relayé, amplifié et généralisé à l'échelle européenne, dans le cadre du programme Horizon Europe.

Enfin, je m'inscris en faux contre le discours sur la sécurité alimentaire et la baisse de production : personne n'a identifié le moindre danger pour la sécurité alimentaire en Europe et personne n'a plaidé pour une baisse généralisée de production au niveau européen.

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