Intervention de Laurence Boone

Réunion du mardi 7 novembre 2023 à 17h35
Commission des affaires étrangères

Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe :

Merci pour ces mots forts, prospectifs et précis sur tous les sujets qui nous concernent aujourd'hui. C'est un immense honneur de vous retrouver pour vous présenter les résultats du troisième sommet de la Communauté politique européenne, qui s'est tenu à Grenade le 5 octobre dernier. Bien entendu, nous pourrons également évoquer, puisque c'est votre souhait, les questions relatives à l'élargissement de l'Union européenne, qui ont notamment été abordées le lendemain de ce sommet.

Ce sommet ayant eu lieu juste avant les terribles attaques terroristes perpétrées par le Hamas contre Israël, le 7 octobre, nous avons presque l'impression de parler du monde d'avant. Néanmoins, l'objectif de la CPE, qui est de consolider le continent européen dans un monde plus dangereux, apparaît encore plus crucial au vu de ce qui se passe au Proche-Orient.

Après la Moldavie, où s'était déroulé le précédent sommet, le 1er juin, la Communauté politique européenne faisait donc son retour dans un pays de l'Union européenne, à la veille d'une réunion informelle du Conseil européen, comme il y a un an, à Prague. Ce retour s'est effectué dans un contexte européen tendu, huit jours après l'invasion du Haut-Karabagh par l'Azerbaïdjan. À ce propos, je suis très reconnaissante, comme l'est le Gouvernement, de la mobilisation de la représentation nationale, et en particulier de votre commission, pour soutenir l'Arménie. Je profite de cette occasion pour saluer, monsieur le président, la qualité du rapport d'information que vous avez bien voulu présenter à vos collègues au sujet de votre déplacement en Arménie, du 13 au 16 septembre.

Avant de revenir plus en détail sur le sommet de Grenade, au sujet duquel vous avez été un peu pessimiste, il faut rappeler que tous les pays membres de la CPE y étaient représentés, à l'exception du Danemark – pour des raisons parlementaires –, de l'Azerbaïdjan et de la Turquie. Comme l'a dit le président de la République, nous avons regretté l'absence de ces deux derniers pays, puisque la CPE est précisément le lieu qui doit permettre de surmonter les crises régionales et d'évoquer entre leaders, d'une façon informelle mais sérieuse, les sujets les plus épineux. Hormis ces trois États, toute la famille européenne a pu marquer à nouveau, et à l'unanimité, son soutien au président Zelensky, pour échanger et promouvoir des initiatives sur des questions d'intérêt commun.

Concrètement, les échanges ont débuté par une séance plénière, au cours de laquelle Pedro Sanchez, Volodymyr Zelensky, Charles Michel et Ursula von der Leyen ont mis l'accent sur les défis communs auxquels nous sommes confrontés, à commencer par le soutien à l'Ukraine face à l'agression russe, nécessaire en raison tant de la géographie que de nos valeurs. Les interventions ont également porté sur l'architecture de sécurité européenne à venir, ainsi que sur les questions énergétiques et migratoires.

Ensuite ont eu lieu des tables rondes consacrées au multilatéralisme, à l'énergie, à la transition climatique et aux enjeux numériques.

Enfin – et c'est bien l'objet de la CPE –, beaucoup de temps a été réservé aux entretiens bilatéraux ou minilatéraux, permettant au président de la République de s'entretenir notamment avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la présidente moldave Maia Sandu, la présidente kosovare Vjosa Osmani et le président serbe Aleksandar Vučić, ainsi qu'avec le premier ministre arménien Nikol Pachinian, en compagnie du président du Conseil européen Charles Michel et du chancelier allemand Olaf Scholz. Une réunion consacrée à la lutte contre les réseaux de passeurs et les migrations illégales a également été organisée par le premier ministre britannique Rishi Sunak et la présidente italienne Giorgia Meloni, à laquelle ont été associés la présidente von der Leyen, le premier ministre albanais Edi Rama et le premier ministre néerlandais Mark Rutte.

Malgré les circonstances politiques particulières que connaissait l'Espagne, le sommet de Grenade a prouvé sa pertinence et son utilité et démontré la nécessité d'échéances semestrielles. Nous sommes assez optimistes pour la suite, notamment pour ce qui est du sommet qui aura lieu outre-Manche au printemps prochain. Londres avait d'ailleurs manifesté son intérêt pour la CPE dès la première réunion, à Prague, intérêt auquel n'est pas étranger le fait que le Royaume-Uni ne soit plus membre de l'Union européenne.

Au cours de ce sommet, le président de la République a pu suivre l'évolution des initiatives qu'il avait lancées à Chisinau en juin dernier, en matière de cybersécurité notamment. Une réserve cyber avait été lancée pour tous les pays de la CPE, afin de déployer rapidement des experts de confiance dans chaque pays victime d'une cyberattaque d'ampleur, comme on en voit chaque semaine. Les discussions progressent à Bruxelles pour soutenir financièrement cette initiative très concrète, qui devrait recueillir un accord au Conseil européen, puis au Parlement européen dans les prochains mois. L'Albanie, l'Estonie, la Macédoine du Nord, la Moldavie, la Slovénie et l'Ukraine ont rejoint le dispositif et travaillent avec nous à sa mise en œuvre.

Les événements nous rappellent qu'il faut encore et toujours renforcer le sentiment d'appartenance aux valeurs européennes et de citoyenneté européenne, en particulier auprès de la jeunesse. C'est le sens de la proposition du président Macron d'étendre à tous les pays de la CPE le pass Interrail, qui permet aux jeunes de moins de 28 ans de découvrir l'Europe pendant quelques semaines et de faire des rencontres ; en somme, de se sentir européen. La Commission travaillera dans les prochains mois à sa concrétisation.

En ce qui concerne l'Ukraine, un point a été fait sur l'évolution de la situation sur le terrain et sur les besoins en matière d'armement et de formation. Tous les responsables européens, dont le président de la République, ont réaffirmé leur soutien humanitaire, financier, économique et militaire, tant que nécessaire et jusqu'à ce que Kiev décide des conditions de la paix. Compte tenu de la situation aux États-Unis et des événements survenus au Haut-Karabagh et au Proche-Orient, cette réaffirmation est importante pour montrer à l'Ukraine qu'on ne l'oublie pas.

Il importait également de confirmer notre soutien à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Arménie dans ses frontières. C'est ce qu'a fait le président de la République avec Charles Michel et Olaf Scholz lors d'une rencontre avec le premier ministre Nikol Pachinian.

Ils ont, en outre, annoncé un approfondissement des relations entre l'Union européenne et l'Arménie, ainsi que le renforcement de l'aide humanitaire. Comme vous, nous avons tous regretté que le président Ilham Aliev ait décidé de ne pas venir. Contrairement à ce qui a pu être dit, personne n'a refusé la participation de quiconque aux échanges tenus à Grenade, qu'il s'agisse du président azerbaïdjanais ou du président turc : ne croyez pas toujours la presse ! De fait, ce n'est pas notre approche de la résolution des crises régionales et c'est contraire à l'esprit même de la CPE, qui doit permettre, au contraire, d'avancer en appuyant les négociations menées à Bruxelles.

S'agissant de la Serbie et du Kosovo, la présidente de la République du Kosovo était présente mais une grande part des négociations se déroulent entre premiers ministres. Un suivi a d'ailleurs été assuré lors du dernier Conseil européen à Bruxelles, fin octobre. Il est important de rappeler que le dialogue se poursuit et que nous continuons d'avancer.

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