Intervention de Dominique Faure

Réunion du mercredi 8 novembre 2023 à 9h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Dominique Faure, ministre déléguée :

Je voudrais vous dire mon plaisir, même s'il ne semble pas partagé par tous, de venir débattre avec vous. La Première ministre a retenu pas moins de 450 amendements au projet de loi de finances pour 2024 lorsqu'elle a engagé la responsabilité du Gouvernement par l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution.

Monsieur Molac, vous pensez que la Ve République est arrivée à son terme : je respecte votre avis et votre volonté d'évolution, mais il faut accepter le fonctionnement actuel, que nous assure une Constitution extrêmement bien pensée. Nous devons donner un budget à la France malgré l'absence de majorité. L'outil constitutionnel du 49.3 permet de continuer à payer des salaires ; extrêmement démocratique, contrairement à ce que certains peuvent dire, il représente la responsabilité attachée à la fonction gouvernementale.

Monsieur Di Filippo, vous nous faites le plaisir de rester et j'aimerais répondre à votre attaque du design actif. Les trois valeurs de l'olympisme sont le respect, l'amitié et l'excellence. Nous sommes fiers d'accueillir les Jeux olympiques en 2024 et nous souhaitons véhiculer ces trois valeurs auprès de nos enfants. Qui considère que l'amitié, le respect et l'excellence ne sont pas des valeurs à promouvoir ? Vous n'êtes pas sensible à la symbolique, pourtant elle compte. En outre, le sport permet de lutter contre l'obésité et contre toutes les maladies : les Jeux olympiques sont l'occasion de mettre le sport au cœur de nos politiques publiques, mais aussi de nos propos et de nos échanges.

Monsieur Gouffier Valente, de nombreuses collectivités locales ont déjà présenté un budget vert, mouvement que le Gouvernement encourage. L'État adopte un budget vert depuis 2020 et il souhaite élaborer un outil commun avec les collectivités territoriales : tel est le sens de l'amendement que David Valence a déposé. Nous sommes attachés au développement d'une démarche contraignante mais simple pour les plus grandes collectivités. Dans un premier temps, seules la dette verte et les dépenses d'investissements seraient mises en avant : les investissements sortiraient du budget de la collectivité, afin que les élus locaux puissent présenter les dépenses qui concourent à la transition écologique. Avec Thomas Cazenave et David Valence, nous réfléchissons pour l'instant à la réalisation d'une annexe aux comptes administratifs.

Vous avez également évoqué la situation des départements : un président de conseil départemental m'expliquait encore hier à quel point sa collectivité était affectée par la baisse significative des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; en 2023, leur diminution devrait être comprise entre 20 % et 30 %. Tous les vice-présidents chargés des finances de tous les conseils départementaux de France ont alerté leur président sur la fragilité et la versatilité des recettes provenant des DMTO lorsque ceux-ci augmentaient. Le niveau est actuellement légèrement inférieur à celui de 2019, donc les collectivités doivent revoir leurs coûts de fonctionnement. Elles peuvent néanmoins compter sur des mécanismes de sauvegarde financière : ainsi, 250 millions d'euros ont été mis en réserve dans le fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, dispositif de 700 millions d'euros pour les départements. Avec l'Assemblée des départements de France (ADF) et son président, François Sauvadet, nous réfléchissons à l'hypothèse d'un abondement par l'État du fonds de sauvegarde des départements, actuellement doté de 57 millions d'euros : cette mesure, que l'on pourrait intégrer au PLF, accompagnerait la mobilisation du fonds en faveur des départements.

Monsieur le président, vous avez évoqué avec Thomas Ménagé le filet de sécurité 2022. Ce sont 2 929 communes et groupements qui y sont éligibles, pour un montant de 405 millions d'euros. Le PLF pour 2023 prévoyait une somme de 430 millions, donc votre prévision était bonne. Parallèlement, 3 425 collectivités devront rembourser tout ou partie de l'acompte perçu en 2022, pour un montant de 70 millions d'euros, car leur situation financière s'est révélée meilleure que prévu. Toutes les collectivités ont compris qu'il s'agissait d'acomptes. Les critères de perception et de remboursement de ceux-ci étaient clairs. Ces collectivités doivent rembourser un acompte dont leur trésorerie a bénéficié depuis près d'un an ; les sommes à rembourser s'échelonnent entre 5 000 et 10 000 euros, ce qui n'est pas beaucoup. Pour les collectivités les plus fragiles, la reprise des acomptes non dus sera étalée jusqu'à la fin de cette année, voire jusqu'en 2024, en cas de difficultés avérées. Les directions départementales des finances publiques (DDFIP) sont bien entendu à la disposition des élus locaux pour les accompagner au mieux.

Monsieur Ménagé, vous avez affirmé que la DETR et la DSIL n'avaient pas progressé : vous faites preuve de mauvaise foi, ces deux dotations ont augmenté depuis dix ans pour atteindre 2 milliards en 2023 et elles doubleront l'année prochaine avec le fonds Vert, la transition écologique étant déployée de manière transversale dans toutes les politiques publiques. Nous n'augmentons pas la DETR, mais nous doublons les montants investis dans les collectivités locales.

Vous nous interpellez sur le fonds d'aide, créé à la suite des violences urbaines qui se sont produites du 25 juin au 5 juillet et qui ont causé d'importantes dégradations. Nous avons rapidement fait part de notre volonté d'accompagner financièrement les collectivités les plus touchées et de faire en sorte que celles-ci n'aient aucun reste à charge à supporter. Les collectivités, qui ont contacté leur compagnie d'assurances puis l'État, sont toutes rassurées sur l'aide que leur apportera ce fonds et sur l'absence de reste à charge. Elles avaient jusqu'au 30 septembre pour adresser leurs demandes de subventions aux représentants de l'État et du département. Ce travail de recensement des besoins et les quatre missions d'évaluation des dégâts sont en cours de finalisation – l'estimation du coût dépasse 15 millions d'euros. Les départements les plus touchés ont été la Seine-Saint-Denis, le Nord, les Yvelines et le Val-d'Oise. Les élus peuvent, en cas de difficulté, se rapprocher des DDFIP pour obtenir le remboursement des travaux engagés, mais je les invite également à m'interpeller directement, dans quelque temps, si les choses n'avancent pas vite ou si un sentiment d'inquiétude règne – j'ai constaté que les élus locaux avaient le sourire et étaient optimistes après mes déplacements car ils constataient que les moyens étaient bien déployés ; les députés doivent également remplir cette mission d'accompagnement auprès des élus locaux les plus inquiets.

Mme Couturier n'a pas pris la peine de rester et n'a pas posé de question. Les termes qu'elle a employés ne font qu'attiser la colère et la violence dans notre société : je les condamne donc très fermement. Par ailleurs, j'envoie des messages et j'appelle les maires qui subissent des violences, sans pour autant communiquer sur chacun de mes faits et gestes : moins on fait de politique politicienne, plus on est heureux.

Monsieur Di Filippo, les communes peuvent obtenir des fonds de l'Agence nationale du sport (ANS) ou du ministère des sports pour l'ingénierie et les obligations attachées au design actif. J'ai perçu de la moquerie dans vos propos sur le financement des marelles : le design actif vise à inciter de manière ludique nos enfants à faire du sport dans les cours de récréation. Je suis tout à fait prête à échanger, à débattre et à travailler à la diminution des coûts et à la simplification de l'ingénierie. Aucun maire ne m'a pas fait part de la lourdeur ou de la complexité du déploiement du design actif.

Plusieurs d'entre vous ont abordé la question de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, que vous appelez de vos vœux. Vous le savez, le Président de la République a récemment confié à Éric Woerth une mission sur la décentralisation, qui s'articule autour de cinq axes : la simplification de l'organisation territoriale, la clarification des compétences, la simplification des normes, l'autonomie financière des collectivités territoriales, la valorisation des fonctions électives locales. Pas plus tard qu'hier soir, M. Woerth était dans mon bureau pour échanger avec moi sur trois de ces sujets. Il pourra s'appuyer sur le travail que j'effectue avec mon administration et mon cabinet, qui ont déjà exploré de nombreuses pistes concernant notamment le statut de l'élu et les conditions d'exercice des mandats locaux. La question de l'autonomie fiscale ou financière des collectivités est donc pertinente. Plusieurs modèles existent en Europe, certains étant plus intéressants que d'autres. Éric Woerth pourra s'en inspirer pour adresser au Président de la République la recommandation la plus pertinente possible. Nous avons constaté hier que, sur bon nombre de ces sujets, il n'aurait pas besoin d'attendre les six mois qui lui ont été donnés pour formuler des propositions.

Madame Desjonquères, vous avez souligné la nécessité d'une prévisibilité des soutiens financiers de l'État, qui doivent cependant pouvoir s'adapter aux situations particulières de quelques collectivités touchées par divers aléas. Cet impératif est au cœur de mes préoccupations. Ma feuille de route prévoit l'élaboration d'une loi d'orientation pour les collectivités locales ; dans cette perspective, je travaille avec Bercy en vue de donner à ces dernières plus de visibilité sur leurs dotations. Depuis plusieurs années, les élus locaux réclament une pluriannualité des crédits, qui pourrait tout à fait s'inscrire dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Dans certains départements, ces contrats ont fait l'objet d'un travail remarquable conduit par des maires, des intercommunalités et promu auprès des services de l'État. De même que l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est en train de s'organiser pour réactiver les CRTE, Christophe Béchu et moi-même souhaitons nous appuyer sur ces derniers pour mettre en œuvre les investissements en faveur de la transition écologique prévus par la loi de finances pour 2024. Je le répète, ces documents sont à mes yeux un support tout à fait pertinent pour inscrire ces investissements dans une perspective pluriannuelle.

Je donnerai trois exemples illustrant la prise en compte, dans le projet de loi de finances pour 2024, de la situation particulière de certaines collectivités touchées plus que d'autres par les aléas de la crise. L'amortisseur électricité sera prorogé pour les collectivités ayant contracté des contrats pluriannuels de fourniture d'énergie au moment où les prix étaient au plus haut. Par ailleurs, le fonds de sauvegarde destiné aux départements les plus en difficulté sera de nouveau mobilisé en 2024 – la Première ministre aura l'occasion d'y revenir plus précisément vendredi lors du congrès de l'Assemblée des départements de France. Enfin, le fonds prévu dans chaque loi de finances pour accompagner les collectivités confrontées à certaines difficultés, notamment liées à des aléas, et tout particulièrement celles qui sont suivies par la chambre régionale des comptes, verra sa dotation portée à 15 millions d'euros.

Monsieur Vicot, je ne reviendrai pas sur votre critique du recours au 49.3, à laquelle j'ai déjà répondu en introduction. En revanche, j'ai apprécié votre volonté d'aller plus loin sur la question du statut de l'élu. Même si de nombreuses avancées ont été permises par la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, défendue par Sébastien Lecornu, ainsi que par la loi 3DS de Jacqueline Gourault, beaucoup de progrès restent à faire. Je pense en particulier à la formation et à la mise en place d'un dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE) permettant aux anciens maires de retrouver facilement un emploi. En outre, de nombreux jeunes élus encore étudiants aimeraient bénéficier du remboursement des frais de transport qu'ils doivent engager pour participer aux réunions du conseil municipal et aux travaux des commissions dont ils sont membres.

S'agissant des problèmes de représentativité, vous avez raison mais nous travaillons à l'amélioration de la situation. Si vous voulez redonner de l'espoir, de la gaieté et de l'enthousiasme à nos élus locaux, je vous invite à regarder l'énorme travail que nous réalisons, les mesures concrètes contenues dans le PLF et les perspectives qu'elles offrent plutôt que de vous désoler de ne pas voir les dispositions dont vous rêvez mais que l'état des finances de notre pays ne nous permet pas de mettre en œuvre.

Les 40 millions d'euros inscrits dans le PLF dans le cadre de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC), c'est-à-dire au titre des catastrophes naturelles, le sont à titre indicatif. Ils seront abondés, le cas échéant, en fonction des catastrophes survenant au cours de l'année. Ainsi, du fait de la tempête Alex, en 2022, les crédits dépensés – 150 millions d'euros – ont été largement supérieurs au montant forfaitaire initialement prévu. Cela montre que le Gouvernement est au rendez-vous quand les collectivités locales en ont besoin.

Madame Poussier-Winsback, je vous remercie d'avoir rappelé que l'État n'était pas un puits sans fond. Je ne comprends pas que des élus responsables puissent considérer que l'État devrait compenser l'inflation dans les budgets des collectivités locales. Au nom de quoi le ferions-nous alors que nous subissons nous-mêmes cette inflation, autant que les collectivités, et que nous faisons notre maximum pour la réduire ? La France est d'ailleurs l'un des pays d'Europe où elle est la moins élevée. Au nom de quoi l'État, déjà confronté à 3 000 milliards d'euros de dette et à plus de 40 milliards de frais financiers, devrait-il faire en sorte d'annuler l'effet de l'inflation pour les collectivités ? Nous osons dire à ces dernières, qui l'entendent – je pense aux 400 maires que j'ai vus hier et qui étaient heureux d'échanger avec moi –, que nous leur demandons un effort lorsque leurs dotations n'augmentent pas autant que l'inflation.

Vous m'avez demandé un petit éclaircissement au sujet de l'assurabilité des collectivités territoriales. Comme je vous l'ai déjà dit en répondant à une question au Gouvernement, je me suis beaucoup engagée pour que la mission que nous avons mandatée, avec Christophe Béchu et Bruno Le Maire, comporte, outre deux inspecteurs de l'administration, un maire et le représentant d'une compagnie d'assurances. Nous attendons de cette mission qu'elle nous propose des solutions. Certains invoquent un droit à l'assurance mais, pour ma part, je rejoins Bruno Le Maire lorsqu'il doute de l'opportunité d'accorder à une collectivité n'ayant pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses bâtiments publics le droit d'être assurée. Comment se pourrait-il qu'une telle collectivité bénéficie, année après année, de remboursements de dépenses d'un montant dix fois supérieur à la prime d'assurance payée ? Alors que l'assureur Smacl est organisé pour rembourser 4 à 5 millions d'euros de dépenses chaque année, il va devoir rembourser 46 millions au titre des émeutes de 2023. S'il n'était pas adossé à la Maif, qui est montée à son capital à hauteur de 100 millions d'euros, il aurait dû déposer le bilan. Or le but de l'instauration d'un droit à l'assurance n'est pas de conduire les quelques compagnies qui acceptent d'accompagner les collectivités au dépôt de bilan ! Nous sommes sur une ligne de crête car il faut impérativement protéger les collectivités locales en leur permettant d'être assurées tout en évitant cet écueil. Tous ensemble – État, collectivités et compagnies d'assurances –, nous devons trouver des solutions. Nous avons déjà ébauché quelques pistes mais je ne suis pas habilitée à vous les communiquer.

M. Raux nous a quittés. Il a parlé d'hypocrisie, de farce démocratique et d'indifférence, mais je vois derrière ces termes beaucoup de mauvaise foi. Même les maires reconnaissent que l'État se tient à leurs côtés en matière d'investissements publics, que nous avons doublés – ils sont passés de 2 à 4,5 milliards d'euros – et verdis.

M. Raux a critiqué l'expression « aménités rurales » : je l'invite donc à m'en proposer une autre, plus intelligente à ses yeux. En tout cas, les sommes que nous consacrons, dans le cadre du plan France ruralités, à la rémunération de ces aménités sont très bien perçues dans nos villages. Je rappelle que la dotation, déjà passée de 20 à 40 millions d'euros en 2023, sous l'impulsion de Joël Giraud, est portée à 100 millions dans le PLF pour 2024.

Mme Faucillon ne m'a pas posé de questions : c'est qu'elle n'attendait pas de réponses. Elle a donc bien fait de partir. Elle s'est servie de cette audition comme d'une tribune pour exprimer son ire. Je ne crois pas que ce comportement permette de réconcilier nos concitoyens avec leurs élus locaux. Si vous êtes là, c'est parce que vous aimez ces derniers et que vous tenez à ce qu'ils puissent améliorer la qualité de vie de nos concitoyens. Nous devons leur redonner espoir et leur rappeler tout ce que nous faisons à leur profit.

M. Molac a réclamé la création d'un budget spécifiquement dédié aux collectivités territoriales, qui doivent aujourd'hui se contenter d'une mission budgétaire. Je dois reconnaître que je partage cette demande tout à fait pertinente. Certes, un débat sur les finances locales est organisé chaque année en séance publique – le 14 octobre 2022, le 20 octobre 2023 –, mais nous pourrions effectivement aller plus loin. Pourquoi ne pas y réfléchir dans le cadre du projet de loi d'orientation pour les collectivités locales dont je vous ai parlé tout à l'heure ?

Enfin, monsieur Di Filippo, je vous confirme que nous avons réintégré les dépenses d'aménagement de terrains, y compris sportifs, dans le cadre du FCTVA. Cela représente 250 millions d'euros d'investissements supplémentaires pour les collectivités en 2024.

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