Intervention de Laurent Guerreiro

Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 14h20
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Laurent Guerreiro, administrateur de l'UFS :

Je suis administrateur UFS et également président de la société RAGT, qui est l'une des nombreuses sociétés de sélection présentes sur le territoire et au-delà. Comme vous le savez probablement, la sélection se déroule sur le temps long. Le principe de la sélection est relativement simple. Il s'agit, par le croisement de parents complémentaires, de tenter d'obtenir des descendants qui vont cumuler les caractéristiques favorables des parents que vous avez choisis pour baser votre programme de sélection. On estime que, suivant les espèces, il faut compter environ six à quinze ans – six ans pour du maïs, quinze ans pour des graminées fourragères – pour obtenir une variété améliorée.

La sélection est un secteur très dynamique en France, avec un peu plus de 130 structures de recherche présentes sur le territoire national et 13 % du chiffre d'affaires des entreprises semencières réinvesti dans la recherche. C'est une moyenne, qui couvre un échantillon qui va de 5 à plus de 20 %, soit bien au-delà du niveau d'investissement de la plupart des secteurs, dont la pharmacie.

La sélection répond à une exigence d'inscription au catalogue, indispensable pour commercialiser de nouvelles variétés sur le territoire européen. Cette exigence d'inscription au catalogue a encore évolué ces dernières années avec la transformation du critère de valeur agronomique et technologique des variétés (VAT) en valeur agronomique, technologique et environnementale (VATE), dans le dessein de progresser plus rapidement sur la tolérance au stress biotique et abiotique.

Pour obtenir l'inscription au catalogue français, vous devez proposer une variété qui présente une valeur ajoutée par rapport à celles inscrites l'année d'avant, en termes de matériel génétique. Avec la VATE, si votre variété présente des tolérances aux maladies ou à un certain nombre de stress abiotiques, vous pouvez bénéficier d'un bonus à l'inscription qui permet de compenser d'autres critères que vous n'auriez pas réussi à remplir. Les systèmes français et européen accordent ainsi beaucoup de poids à la tolérance aux maladies.

L'inscription est un processus relativement long. Pour essayer de répondre aux attentes des agriculteurs, mais également de la société, d'avoir des variétés plus tolérantes et requérant moins de produits de protection des plantes, nous avons besoin d'outils. Il n'y a pas un seul gène dans une variété qui va vous permettre de résister au spectre complet des maladies existantes, des insectes ou d'autres parasites qui peuvent agresser les plantes. Pour ce faire, nous sommes obligés de cumuler, à l'intérieur des variétés, un grand nombre de gènes de résistance qui, additionnés les uns aux autres, vont permettre d'élargir le spectre de résistance des variétés. Ce travail est long et fastidieux. Il n'est pas évident qu'une construction à 5 gènes sera nécessairement meilleure qu'une construction avec un peu moins de gènes, dès lors que l'on a intégré un gène un peu défavorable. Il s'avère nécessaire – on parle de pyramidage en sélection – de cumuler des strates de niveaux de défense dans les variétés. Cette activité scientifique et les outils que l'on peut développer pour améliorer les résistances variétales ou l'adaptation au changement climatique sont déjà une réalité. J'en veux pour preuve que 27 % des fiches certificats d'économies de produits phytopharmaceutiques (CEPP) concernent des variétés avec des profils améliorés, qui permettent d'envisager ces économies de produits phytosanitaires.

Nous espérons l'accès le plus rapide possible à un grand nombre de technologies, dont les new breeding techniques (NBT), qui devraient permettre au monde de la sélection et du développement de raccourcir encore les durées de sélection, de cumuler plus facilement des critères de résistance et donc d'obtenir des variétés beaucoup plus résilientes demain.

Les entreprises semencières ont décidé de maximiser les chances de réduction des produits phytopharmaceutiques via une diversité d'actions. Nous pouvons évoquer notamment les associations variétales, qui se développent de plus en plus. En colza, par exemple, un nombre croissant de développements vise à associer deux variétés de colza différentes, une variété un petit peu plus précoce qui, en florissant avant la variété principale, va attirer les insectes, principalement les méligèthes, ce qui autorise ensuite le développement de la culture principale. C'est un exemple, déjà un peu ancien, d'association variétale. Aujourd'hui, à travers les plantes de service, les couverts végétaux, le recours à la biodiversité et à la diversité génétique, un champ disciplinaire s'est ouvert, qui permet de réduire la pression fongique, mais aussi de mieux gérer les questions de fertilisation et les problématiques liées à l'eau.

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