Intervention de David Lappartient

Réunion du jeudi 5 octobre 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) :

Je me réjouis que nos objectifs partagés soient les mêmes et que la représentation nationale s'empare d'un sujet aussi important pour le sport. Je me réjouis qu'il en soit ainsi car il en va aussi de sa gouvernance et de nos capacités à améliorer notre fonctionnement.

Dans un État démocratique, que le Parlement puisse contrôler le Gouvernement et mener les commissions d'enquête qu'il estime nécessaires paraît sain et logique. À cet égard, je salue cette volonté partagée tant nous devons encore améliorer les choses en ce qui concerne la gouvernance, l'ensemble des violences et sur les trois axes que vous avez mentionnés.

À titre personnel, ces sujets m'ont toujours beaucoup animé. En 2012, le CNOSF m'avait d'ailleurs désigné à la tête d'une commission chargée de faire des recommandations sur la gouvernance des fédérations. J'avais fait des recommandations – pas toujours soutenues par mes collègues – visant à limiter le nombre de mandats dans le temps et à améliorer grandement la transparence des fédérations nationales. Je m'étais imposé cette transparence, avec mes collègues, au sein de la Fédération française de cyclisme. Aujourd'hui, la fédération internationale que je préside et qui a défrayé la chronique il y a quelques années, est classée au deuxième rang des fédérations internationales en matière de transparence. On peut donc toujours améliorer les choses.

On se réjouit aussi de la contribution du mouvement sportif aux travaux du Parlement. J'en veux pour preuve ce qui a été fait par la loi du 2 mars dernier, qui vise à améliorer la gouvernance dans le sport. 70 % des propositions que nous avions eues à faire aux parlementaires ont été reprises ce dont je vous remercie.

Nous ne contestons absolument pas – et ce n'était pas le sens de mon courrier – le principe d'une commission d'enquête pour un sport toujours plus éthique, plus responsable, avec une gouvernance améliorée et avec des améliorations à porter dans le mouvement sportif dans son entier et dans nos fédérations nationales.

Ce qui nous a un peu blessés, ce sont les attendus de la commission d'enquête. Nous avions le sentiment, peut-être à tort, que les conclusions étaient déjà quasiment écrites dès le début. Quand vous évoquez par exemple des fédérations « abreuvées de subventions publiques », c'est assez blessant dans la mesure où les subventions publiques représentent 7,9 % du budget des fédérations membres du CNOSF.

Nous partageons le même objectif que vous mais nous ne voudrions pas que les conclusions soient dans les énoncés de la commission d'enquête. Nous essayons de travailler avec sérieux et je vais essayer de vous dire où nous en sommes et quelles propositions nous pouvons formuler. Comme vous l'avez pointé, il y a des dysfonctionnements, des choses à améliorer, et nous avons des propositions à formuler. Il n'est pas concevable que la situation reste en l'état car nous représentons 3,5 millions de bénévoles dont l'engagement est à saluer.

Le CNOSF n'est pas un organisme de tutelle des autres fédérations nationales. Les fédérations nationales reçoivent une délégation de l'État par le ministère de la jeunesse et des sports pour exercer au nom de l'État un certain nombre de prérogatives et de missions de service public.

Nous sommes l'organisme faîtier qui parle au nom de l'ensemble du mouvement olympique mais nous n'avons pas d'autorité de tutelle sur certaines fédérations. Nous parlons au nom de l'ensemble et notre voix peut et doit porter. Nous avons des propositions à formuler parce que ce qui affecte l'un d'entre nous affecte la communauté sportive tout entière. C'est fondamental et je le dis à mes collègues, nous devons tous être exemplaires.

On aimerait que le sport soit un îlot préservé des dérives sociétales et les valeurs qu'il véhicule font que naturellement, on attend qu'il en soit ainsi. Malheureusement, tel n'est pas le cas. Le sport est peut-être simplement le reflet de la société et nous devons travailler pour améliorer les choses.

Je suis président de conseil départemental et parmi nos compétences, il y a notamment celle de la protection de l'enfance. 1 800 enfants sont placés sous mon autorité et quand je vois les cas parfois terribles que nous recueillons dans les Cellules de recueil et de traitement des informations préoccupantes (Crip), il apparaît que le sport n'en est à certains égards qu'un reflet. Nous devons travailler pour améliorer les choses.

Nous avons fait des propositions pour corriger un certain nombre de dysfonctionnements. Ainsi, j'ai été auditionné le 6 septembre dernier dans le cadre de la commission coprésidée par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana et vingt-deux propositions lui ont été transmises. Nous vous communiquerons le document si vous ne l'avez pas reçu.

Sur la gouvernance des fédérations, beaucoup de choses ont été améliorées notamment avec les déclarations auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il y a aussi des révisions statutaires qui sont en cours dans nos fédérations pour transcrire la loi de mars dernier.

Nous nous sommes aussi donné pour mission de définir les grands principes fondamentaux qui doivent s'appliquer au bon déroulement des élections et garantir l'égalité entre les candidats. Tous les candidats ne sont pas toujours égaux devant une élection.

Vous êtes candidat dans des circonscriptions et vous êtes soumis à des règles de financement. Ces règles n'existent pas lors des élections dans les fédérations et donc, un président qui a des moyens peut plus facilement mener campagne qu'un candidat qui en a moins. Il y a beaucoup d'autres choses à améliorer pour s'assurer de l'égalité des candidats lors des campagnes, notamment entre le candidat sortant, qui peut mobiliser les moyens de la structure, et les autres candidats.

Il faut s'assurer que les fédérations ne soient pas dans l'entre-soi et que les différentes opinions puissent y être représentées. La diversité des opinions est fondamentale car elle permet une forme de contrôle et donc une forme d'exigence pour les responsables.

Nous avons aussi des propositions sur la rémunération des dirigeants fédéraux, qui doivent permettre de rajeunir et diversifier les profils. Aujourd'hui, pour être président de fédération, il faut y consacrer un temps nécessaire. Sauf à être à la retraite, il est compliqué de postuler à cette fonction. Je milite pour que l'indemnisation des présidents de fédération soit réelle mais il faut aussi s'assurer que les comités d'éthique fonctionnent. Ils sont souvent constitués puisque 83 % des fédérations disposent d'un comité d'éthique. Il est cependant inacceptable que 17 % des fédérations n'en aient pas alors qu'il s'agit d'une obligation légale. À cet égard, je trouve que les fédérations qui n'en ont pas devraient être mises en demeure sous peine de perdre leur délégation ou ne plus être éligibles aux financements publics. Il est quand même compliqué d'expliquer qu'on peut bénéficier de financements publics et conserver sa délégation quand on ne respecte pas la loi.

Ces comités d'éthiques ne doivent pas être des comités d'éthique alibis nommés par l'exécutif et ayant des liens forts avec ce dernier. Les comités doivent être de vrais comités crédibles et à cet égard, deux formules sont possibles : soit ils obtiennent un avis conforme du CNOSF, soit ils sont constitués de membres reconnus inscrits sur une liste du CNOSF. Cela permettrait d'avoir des comités d'éthique dignes de ce nom.

Je propose aussi que ces comités d'éthique, en particulier sur les sujets de harcèlement et de violences sexuelles, soient dotés d'un pouvoir disciplinaire. Les victimes qui racontent leur histoire devant un comité d'éthique sont souvent renvoyées devant une commission disciplinaire lorsque le comité d'éthique juge que les règles n'ont pas été respectées. Cette double procédure est douloureuse pour les victimes, longue, et je pense que doter les comités d'éthiques de pouvoirs disciplinaires serait de nature à accélérer le traitement des dossiers. C'est ce que j'ai fait à l'UCI, au regard des cas que nous avions eus. C'est une mesure concrète que nous pouvons déployer.

Il faut saluer les victimes qui ont accepté de parler. Je pense bien évidemment à Sarah Abitbol qui a eu le courage d'œuvrer à la libération de la parole. Je pense également à Angélique Cauchy qui a été interrogée sur France 5. Ce sont des athlètes qui ont parlé mais si la parole se libère, ce n'est pas encore suffisant à mon sens.

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