Intervention de Arthur Delaporte

Réunion du mardi 31 octobre 2023 à 17h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArthur Delaporte :

La situation est singulière. Nous auditionnons M. le ministre sur des crédits dont nous débattrons peut-être la semaine prochaine, tout en sachant que leur montant sera in fine décidé au 57, rue de Varenne, sans que la représentation nationale ait son mot à dire sur les politiques publiques de l'emploi. En attendant un énième 49.3, nous faisons semblant, comme si la majorité allait enfin coconstruire le budget de la France avec les oppositions.

Nous avons l'impression d'un mauvais vaudeville. Chaque groupe politique donne son avis sur un projet de budget, certes en hausse, mais qui traduit surtout une idéologie néolibérale – vous le contesterez –, marquée par le recul de l'accompagnement des plus précaires et le renforcement massif des aides aux employeurs d'apprentis.

Il y a l'art et la manière. Vous maîtrisez plutôt bien l'art d'enchaîner les 49.3, à rebours de vos promesses de légiférer autrement, en prenant en compte le résultat des urnes. Quant à la manière, vous pourriez mieux faire. Vous refusez le débat en séance publique en recourant au 49.3, comme si ce geste était devenu anodin alors même que nous traversons une grave crise démocratique. Vous refusez d'attendre la fin des débats, comme si le Parlement ne méritait même pas de débattre, de proposer, de construire. Vous savez que les amendements que nous adopterons ici, comme ceux que nous avons adoptés hier soir en commission des finances n'auront pas d'incidence sur le texte final. Le vote ne compte pas tant que ça, finalement. Sachez que dans le passé, certains ont maîtrisé l'art aussi bien que la manière, notamment Michel Rocard, qui ne recourait au 49.3 qu'à l'issue du débat et retenait tous les amendements adoptés dans la version finale du texte. Inspirez-vous-en.

En attendant, jouons, faute de mieux, le mauvais rôle que vous nous laissez dans cette tragicomédie. La hausse de ce projet de budget n'est qu'un trompe-l'œil. Le contexte, marqué par les réformes de l'assurance chômage, des retraites et du RSA est exceptionnel. Dès lors, le projet de budget ne pouvait qu'être insincère. Comment ferez-vous tourner la machine France Travail avec seulement 70 millions d'euros supplémentaires ? Selon nos calculs, il faudrait 10 milliards d'euros pour appliquer votre accord des droites, qui prévoit 15 heures d'activité hebdomadaire obligatoire. Pensez-vous aux agents de Pôle emploi qui ne pourront pas suivre le rythme infernal que vous leur imposez, car les recrutements que vous prévoyez sont évidemment insuffisants ? Combien de recrutements auront lieu, par exemple, aux agences d'Annonay et de Tournon-sur-Rhône ?

En outre, encore une fois, vous ne tenez aucun compte des inégalités entre femmes et hommes, notamment en matière de rémunération, et de l'amélioration des conditions de travail. Plutôt que d'abreuver les entreprises de subventions, incitons-les à être plus justes.

J'espère que vous serez sensible au vote d'hier de la commission des finances en faveur d'une augmentation des crédits du dispositif TZCLD – et j'espère que notre commission votera de même. Tout à l'heure, en réponse à une question au Gouvernement concernant cette expérimentation, vous avez formulé des contrevérités en prétendant notamment que vous ne disposez d'aucune visibilité concernant le nombre d'embauches partagées, alors que vos services valident une trajectoire en la matière dès que l'expérimentation est lancée dans un nouveau territoire. Vous avez en outre prétendu que le budget de ce dispositif a toujours été sous-consommé. C'est faux car, sauf lors de la crise du covid, le budget prévu dans la convention d'objectifs et de moyens a toujours été respecté.

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