Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du jeudi 2 novembre 2023 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier, rapporteure pour avis :

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos propos. Nous partageons le souci de conserver une fonction publique de qualité. Je suis d'autant plus satisfaite de vos développements que nous avons eu à déplorer l'absence de réponse aux vingt-six questions que j'avais posées. J'ai trouvé regrettable que seules 54 % des réponses aient été reçues dans les délais et seulement 77 % à ce jour. Ce n'est pourtant pas beaucoup, vingt-six questions. Qui plus est, le saucissonnage de cette mission n'est pas satisfaisant. La commission devrait pouvoir se saisir de l'ensemble des crédits, le programme 148 ne portant que 282 des 567 millions d'euros de crédits. Cette plus grande lisibilité faciliterait notre travail. Je le dis d'autant plus que, alors que nous avions beaucoup travaillé sur l'INSP et sur les cabinets de conseil, on avait opposé à nos questions sur ces sujets le fait qu'ils ne relevaient pas de notre programme. J'avais trouvé la réponse un peu sèche, quand nous avons tous intérêt à cet éclairage mutuel.

Le programme Fonction publique constitue l'un des cinq programmes de la mission Transformation et fonction publiques. Il porte sur les crédits de formation des fonctionnaires, d'action sociale interministérielle et d'appui et d'innovation en matière de ressources humaines. Après les cabinets de conseil l'an dernier, j'ai choisi cette année de consacrer une partie de mon rapport à un sujet important et d'actualité : l'attractivité de la fonction publique.

Avant d'aborder cette question, je commencerai par l'examen des crédits du programme. Ses montants s'établissent à 282,56 millions d'euros en crédits de paiement. En apparence, ils diminuent du fait du transfert vers un autre programme de la tutelle budgétaire de l'Institut national du service public, qui a remplacé l'École nationale d'administration. À périmètre constant, les crédits sont en augmentation d'une vingtaine de millions d'euros. Je ne peux cependant que constater la faible ambition de ce projet de budget qui reconduit pour l'essentiel les lignes budgétaires ouvertes les années précédentes.

J'évoquerai brièvement les quatre évolutions les plus importantes du programme. La hausse la plus significative concerne les crédits associés à la rénovation des restaurants interadministratifs, qui augmentent de 13 millions d'euros. Cette hausse prévisible s'explique par une sous-exécution des crédits les années précédentes.

La deuxième évolution, c'est l'augmentation de 5 millions d'euros de la subvention pour charge de service public versée aux cinq instituts régionaux d'administration pour renforcer les effectifs d'encadrement. Nos missions ont une utilité, puisque c'est ce que nous avions proposé l'année dernière par voie d'amendement. Ce n'est pas parce que les IRA fonctionnent très bien que l'on doit s'en désintéresser et aller regarder ailleurs. À l'époque, je n'avais pas été suivie par la majorité, à croire que j'avais raison trop tôt… J'espère que cet exemple vous conduira à recevoir mes propositions avec une plus grande bienveillance.

Je m'inquiète tout de même du caractère limité de ces renforts. Les effectifs des personnels permanents augmenteraient de deux agents par IRA, soit de 10 % en moyenne, alors que le nombre d'étudiants augmentera, lui, de 17 % d'ici à 2025. Nous devons nous réjouir de l'attractivité des IRA et de l'excellence des directions en poste. Il faut les soutenir dans leur action. J'avais d'ailleurs formulé deux propositions : la première, pour revenir à une seule promotion par an au lieu des deux actuelles, suivant une demande des directions ; la deuxième, pour rallonger la scolarité, réintroduire un stage préalable au stage final et revoir les épreuves de sortie. Ces recommandations demeurent d'actualité et je ne désespère pas que nous les actions l'année prochaine.

Troisième évolution : les crédits consacrés à la réservation des berceaux de crèche progressent de 5 millions d'euros environ. En réalité, c'est principalement pour faire face à l'inflation du coût des places. En 2022, il y avait 4 500 berceaux. Nous approcherons des 5 000 places en 2024. Là encore, cette augmentation fait écho à une proposition formulée l'année dernière par amendement sans succès. Si cette hausse est bienvenue, elle aurait pu être encore plus importante, en dépassant les 5 000 places, comme je le suggérais à l'automne dernier. Accompagner de cette façon les familles qui entrent dans la fonction publique me paraît essentiel.

Quatrième évolution : les crédits consacrés aux chèques vacances diminuent, du fait d'un recentrage sur les seuls agents de l'État en activité. Cela conduirait à une baisse de 20 000 bénéficiaires et à une économie de 6 millions d'euros. À mon sens, cette prestation constitue une aide non négligeable pour les retraités qui ont consacré leur vie professionnelle au service public, qui touchent une pension modeste pour la plupart et dont le pouvoir d'achat est menacé par l'inflation.

Ces considérations ne sont pas sans lien avec le thème que j'ai choisi d'étudier cette année : l'attractivité de la fonction publique. On a coutume de dire que son attrait est directement lié à la situation économique. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette variable d'ajustement. Nous devons réfléchir, dès à présent, à cette question qui a pris une ampleur nouvelle au cours des dernières années, face aux difficultés de recrutement rencontrées par certains employeurs publics, dans un contexte de tension sur le marché du travail, de raréfaction de certaines compétences et de départs massifs à la retraite.

De nombreux signaux témoignent d'une dégradation tendancielle sur les trois versants de la fonction publique. Dans la fonction publique d'État, la sélectivité des recrutements aux concours externes est passée de 17 candidats pour 1 admis en 1997 à 5,8 candidats pour 1 admis en 2020. En 2021, environ 8 % des postes de fonctionnaires ouverts n'ont pas été pourvus. Il faut apporter des nuances, bien sûr. Si certains postes présentent des difficultés de recrutement spécifiques, en fonction des métiers – enseignement ou filière numérique – ou des territoires, nombre de problématiques sont communes. Pour les administrations publiques, l'enjeu est double : il s'agit non seulement de continuer à recruter des agents en nombre suffisant mais également de capter certaines compétences spécifiques, particulièrement recherchées. Il y va de la continuité et de la qualité du service public.

Les auditions que j'ai conduites et les travaux que j'ai consultés convergent autour de plusieurs constats. Les métiers de la fonction publique présentent d'importants atouts, ils sont porteurs de sens, mais ils restent paradoxalement mal connus du grand public et souffrent d'une image un peu désuète. Par ailleurs, certains aspects des processus de recrutement pourraient être améliorés. Enfin, l'évolution des rémunérations est en décalage avec le secteur privé et les conditions de travail se tendent. Face à ces constats, je formule neuf propositions autour de trois axes.

Premier axe : agir sur les rémunérations et les conditions de travail. Mon groupe demande une augmentation de 5 % de la rémunération des fonctionnaires. Je propose de rendre les rémunérations plus attractives grâce à cette nouvelle augmentation du point d'indice et de réformer aussi les modalités de calcul de l'indemnité de résidence, projet maintes fois repoussé, alors qu'elle n'a plus grand sens. Il me paraît également important de promouvoir les initiatives managériales accordant une plus grande flexibilité dans l'organisation du temps de travail, comme la semaine de quatre jours. De telles expérimentations peuvent conduire à mieux prendre en compte les réalités de la vie de chacun et à proposer un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle.

Le deuxième axe concerne le rapprochement de la fonction publique des candidats potentiels, pour lequel je propose de poursuivre le développement de la marque employeur « choisir le service public » et de faire des campagnes de communication ciblées sur les métiers en tension. La marque employeur peut être le support d'une communication efficace, à certaines conditions, mais elle ne constitue évidemment pas une réponse suffisante aux difficultés auxquelles sont confrontés les agents publics.

Par ailleurs, les offres d'emploi publiées gagneraient à être rédigées d'une manière plus accessible, tandis que le format de certains concours pourrait être simplifié pour favoriser le recrutement de certains profils, notamment les apprentis. Il me paraît également important de mieux valoriser la fonction publique auprès des jeunes générations.

Le troisième axe consiste à favoriser le déroulement de carrière au sein d'un même territoire dont plusieurs personnes auditionnées ont souligné l'intérêt. Cela suppose d'encourager la mobilité inter-employeur dans un même territoire et de renforcer la coordination entre les acteurs au niveau local.

Monsieur le ministre, quel regard portez-vous sur ces différentes propositions ? Quelles autres mesures envisagez-vous pour renforcer l'attractivité de la fonction publique ?

Pour conclure, je rappelle que mon groupe souhaite toujours l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. L'externalisation des missions de conseil n'est pas un choix de gestion approprié, bien au contraire. Je salue néanmoins vos efforts pour réduire de 30 % leur volume. La systématisation tend à dégrader la qualité du service public et le ressenti des agents publics. Le dernier rapport de la Cour des comptes appuie ces constats et recommande d'améliorer l'encadrement et la transparence du recours aux cabinets de conseil.

Il convient enfin de nous interroger sur certaines règles de gestion budgétaire, notamment sur le principe de fongibilité asymétrique, lequel pousse les personnes publiques à externaliser certaines missions plutôt qu'à recruter pour les mener en interne. Je cite un exemple ubuesque : une université souhaitait recruter un agent pour une durée de six mois pour organiser la nuit du droit. Alors qu'elle disposait des crédits nécessaires, elle a été contrainte de recourir à un cabinet de conseil car il lui était impossible d'augmenter sa masse salariale. Je suis sûre, monsieur le ministre, que vous serez sensible à cette question.

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