Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du jeudi 9 novembre 2023 à 22h00
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Mais l'accumulation de motions de censure vouées à l'échec tend également à banaliser le recours à cette procédure d'exception.

Comme je l'ai déjà dit, ce budget n'est pas le nôtre ; pourtant, fidèles à la volonté de notre groupe d'être une opposition force de propositions, nous avons œuvré pour l'améliorer. Nous avons joué le jeu de la concertation : répondant présent à votre invitation, nous avons participé aux dialogues de Bercy et discuté avec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et le ministre délégué chargé des comptes publics, que je tiens à remercier pour leur disponibilité.

D'un mot néanmoins, je vous dirai nos craintes.

La construction de logements, en particulier de logements sociaux, est à l'arrêt, et encore trop peu de réhabilitations ont été engagées. Au regard des difficultés inédites que les Français rencontrent pour se loger, nous regrettons donc que vous n'ayez pas conservé notre amendement qui tendait à renforcer les aides personnelles au logement (APL) accession. Vous n'avez pas non plus retenu nos propositions pour mieux accompagner les jeunes, qui nourrissent des craintes et attendent de nous autre chose que le SNU – nous suggérions notamment d'augmenter les bourses. Enfin, les réformes fiscales que vous avez engagées depuis 2017 profitant majoritairement aux plus aisés, plusieurs groupes de la majorité et de l'opposition – dont le nôtre – ont formulé des propositions visant à assurer la juste participation de tous à l'effort collectif et à rétablir plus de justice fiscale, en taxant davantage les Gafam, le rachat d'actions ou les opérations spéculatives en Bourse. Vous les avez toutes ignorées, et c'est bien dommage, car elles étaient utiles pour diminuer notre déficit.

Nous avons aussi entendu s'exprimer l'inquiétude de nos compatriotes au sujet de leur première préoccupation : le pouvoir d'achat – je dirais presque le pouvoir de vivre. Les Français que je rencontre, même, désormais, ceux qui travaillent dur, me disent tous qu'ils ont de plus en plus de mal à finir le mois, qu'ils sacrifient peu à peu leurs loisirs, puis les soins, puis certains repas. C'est pour eux que nous avons proposé plusieurs améliorations. La première reprenait une vieille promesse du Président de la République, une mesure annoncée dix fois, dix fois enterrée : le chèque alimentaire. Nous regrettons qu'elle n'ait pas connu un meilleur sort, et nous reviendrons à la charge, car ce dispositif permettrait également d'aider nos agriculteurs, qui ont besoin de notre soutien.

En revanche, nous nous réjouissons que notre proposition de chèque carburant ait été reprise, son périmètre élargi. Nous voulions un dispositif ciblé, qui donne un peu d'air à ceux dont les dépenses contraintes augmentent. Désormais, les travailleurs modestes et les Français des classes moyennes qui utilisent leur voiture pourront toucher 100 euros : cela ne résoudra certes pas tous les problèmes, mais c'est là un coup de pouce bienvenu. Cette mesure d'urgence coûtera en tout près de 600 millions ; nous sommes satisfaits d'en faire potentiellement bénéficier 1,6 million de personnes supplémentaires, et nous resterons particulièrement attentifs à sa mise en œuvre, dont la simplicité sera essentielle pour éviter le non-recours. Je le dis aux Français qui gagnent moins de 1 600 euros pour une personne seule, moins de 4 800 euros pour un couple avec deux enfants : vous avez droit à ce chèque, demandez-le, et si vous rencontrez des difficultés, n'hésitez pas à nous en faire part !

Cet automne, nous nous sommes en outre fortement mobilisés afin que vous renonciez à ponctionner l'Agirc-Arrco, mesure qui ne figurait pas dans ce texte, mais sur laquelle je me permets de revenir. Au nom de notre attachement au paritarisme, cœur du modèle social français, et aux corps intermédiaires, nous vous avons affirmé notre résolution de nous opposer à ce prélèvement de 1 milliard d'euros destiné à compenser le déficit du régime général de retraite. Les réserves de l'Agirc-Arrco résultant de sa bonne gestion par les partenaires sociaux, le Gouvernement n'a pas à y toucher. Vous nous avez entendus, ainsi que les 25 millions de salariés et de cadres concernés, mais nous n'en suivrons pas moins de près le prochain cycle de négociations entre les partenaires sociaux, avec lesquels nous sommes régulièrement en contact. Nous sommes également heureux de nous être engagés, comme d'autres, en faveur de l'initiative Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), qui permet à ces chômeurs de renouer avec le travail et la dignité. Près de soixante territoires sont engagés dans cette expérimentation novatrice, au financement de laquelle manquaient 20 millions d'euros : nous en avons arraché 11 millions.

Je dirai enfin un mot des petites améliorations dont profiteront les territoires ultramarins : la suspension de la redevance sur la consommation d'eau potable à Mayotte, le fonds de soutien aux jeunes entrepreneurs, le renforcement de l'aide aux associations sanitaires et sociales, le fonds de secours face aux catastrophes naturelles. Ce sont néanmoins de petits pas, qui ne remplaceront pas une vision et une ambition globales pour l'outre-mer.

C'est en raison de ces progrès que nous ne voterons pas pour la motion de censure. Cela ne signifie pas que ce texte soit bon, ni que nous voulions vous conforter dans votre habitude du 49.3 : nous souhaitons au contraire vous voir adopter une autre méthode de gouvernement. Divisé, notre pays s'affaiblit ; la France n'est forte qu'unie, surtout autour d'un projet. C'est ici, ensemble, avec nos compatriotes, que nous devons réécrire ce destin commun : tel est le projet du groupe LIOT.

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