Intervention de Sylvie Colas

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 9h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Sylvie Colas, secrétaire nationale en charge du dossier pesticides de la Confédération paysanne :

Les chambres d'agriculture sont un outil politique, avec des élections et une majorité relativement stable en raison du mode de répartition proportionnelle. Cependant, nous avons nos propres outils de développement agricole et rural, c'est-à-dire nos associations pour le développement de l'emploi agricole et rural (Adear), qui portent le projet politique de la Confédération paysanne pour développer l'agriculture paysanne. Nous accompagnons donc par ces moyens l'installation des jeunes agriculteurs, y compris les cas atypiques, ainsi que la transmission des exploitations.

Nous travaillons en profondeur avec peu d'animateurs, comme dans le Gers, où trois animatrices de l'Adear couvrent 30 % des installations du département. Nous constatons une réelle efficacité dans une variété de projets agricoles.

Nous étions par ailleurs parvenus à un certain déni sur la santé des agriculteurs. Il a fallu une prise de conscience et les agriculteurs ont été obligés de suivre des formations Écophyto et d'apprendre à régler leurs équipements de traitement. Mon fils a participé à cette formation et il m'a raconté que la plupart des voisins avaient envoyé leurs épouses, qui ne se servent jamais des appareils ! En effet, ils perçoivent la formation comme étant inutile. Cependant, les choses ont évolué et, aujourd'hui, presque tout le monde s'équipe, même s'il subsiste des controverses sur certains équipements qui nécessitent un suivi adéquat.

Toutefois, je suis préoccupée quand des jeunes reprennent des exploitations de taille importante, malgré les conditions difficiles et les problèmes de santé de leurs proches, et continuent à pratiquer de la même manière. Ils disent ne pas avoir le choix et on en revient à la question économique. Mais quelle est la valeur d'une vie ?

Je partage également vos préoccupations concernant la concurrence déloyale et je me préoccupe de cette dimension internationale. Lors des universités d'été de Bobigny, j'ai rencontré des Camerounais qui témoignaient des conditions de travail des travailleurs de la canne à sucre, exposés aux pesticides et dont les produits finissent par être utilisés dans la fabrication de nos sodas. Nous partageons la même planète et les règles devraient donc être globales pour détruire la concurrence déloyale. Les produits que nous refusons d'utiliser en France ne devraient jamais être utilisés ailleurs et les travailleurs devraient être soumis aux mêmes conditions. Les consommateurs français bénéficient actuellement de produits abordables en partie parce que des travailleurs paysans et salariés sont malmenés et exposés à des produits phytosanitaires sans protection adéquate. De plus, certaines de nos entreprises produisent parfois à l'étranger ces produits que nous interdisons en France. Nous ne sommes pas nécessairement les meilleurs élèves et, parfois, c'est une source de honte pour moi. Il est essentiel de repenser l'équilibre mondial.

Monsieur le député, notre agriculture, que vous dites paysanne et non rentable, est tout à fait rentable, car elle emploie le plus tout en polluant le moins. Il faut prendre en compte toutes ces externalités positives auxquelles s'ajoutent les effets sur la santé publique. De cette manière, nous pouvons contrer la concurrence internationale à bas coût en favorisant la territorialisation et la diversité. Nous installons de nombreux maraîchers, alors même le maraîchage industriel est en déclin en raison de sa non-compétitivité. Nous réussissons à trouver des débouchés pour nos produits de qualité.

Quant au secteur bio, il traverse une crise due à divers facteurs tels que la situation en Ukraine, la pandémie de Covid-19 et l'inflation. De plus, il a été question tout l'été d'un panier anti-inflation qui contenait, entre autres, des fraises à deux euros le kilo, ce qui est inacceptable et constitue un outrage aux paysans français. Tous les jours il est dit que le bio est trop cher, mais ce n'est pas vrai. Si le bio était correctement soutenu, il serait tout aussi compétitif que les autres modèles. Les petites exploitations, en termes de revenus par actif et par hectare, se montrent bien plus performantes.

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