Intervention de Hervé Lapie

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 9h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Hervé Lapie, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) :

Je vous remercie de nous avoir invités à cette audition de votre commission d'enquête sur les produits de santé végétale. À la FNSEA, nous sommes convaincus de la nécessité de protéger toutes les cultures pour garantir notre souveraineté alimentaire, de promouvoir la diversité des cultures dans tous les territoires et d'assurer la protection de l'environnement ainsi que de la santé des agriculteurs, de nos concitoyens et des consommateurs.

La FNSEA a toujours insisté, notamment dans le cadre d'Écophyto, sur le besoin de moyens de recherche et d'innovation afin d'assurer la transition en agriculture. Celle-ci n'est pas complètement dépendante des produits de santé végétale mais, aujourd'hui, nous devons protéger nos cultures pour répondre aux exigences du marché, lequel impose des contraintes fortes à nos agriculteurs.

À propos du constat d'échec ou de semi-échec du plan Écophyto, nous pensons que ce sujet mérite une approche globale. Nous avions remarqué que nos agriculteurs testaient différentes solutions mais étaient démunis du point de vue de l'accompagnement. Nous avons alors créé en 2017 une association appelée le « contrat de solutions », regroupant aujourd'hui 45 partenaires issus de la génétique, de la robotique, du biocontrôle, de la chimie, du machinisme et des outils d'aide à la décision. L'objectif est de fournir un soutien structurel aux agriculteurs, lesquels ont besoin d'un maillage de partenaires autour d'eux.

Notre démarche globale, amorcée en 2017, a également été proposée à l'État, notamment dans le cadre d'Écophyto. Elle vise à promouvoir une vision globale de la recherche appliquée pour maintenir la production en France. J'en profite pour souligner la grande diversité de la production agricole française, qui est une vraie richesse. Le contrat de solutions propose aujourd'hui plus de 110 fiches pratiques offrant des solutions pragmatiques pour réduire l'usage des produits de santé végétale.

Nous devons également anticiper les interdictions potentielles de molécules en identifiant les produits qui ont un impact sur la santé et l'environnement, en cherchant collectivement des alternatives pour éviter de mettre les agriculteurs dans une impasse. De nombreuses filières agricoles sont en effet actuellement confrontées à des impasses, ce qui peut avoir un impact sur la diversité et l'agroécologie dans nos exploitations. En effet, ces cultures mineures sont en effet essentielles à l'agroécologie.

Nous surveillons également de près les distorsions de concurrence sur le marché européen et nous réclamons les clauses miroirs dans le contexte international.

De plus, nous cherchons à valoriser le travail des agriculteurs à travers le contrat de solutions. Nous remarquons que les agriculteurs sont stigmatisés pour l'utilisation des produits de santé végétale et nous devons rendre leur fierté aux agriculteurs qui innovent. La FNSEA n'a jamais nié la nécessité d'une transition, mais celle-ci ne sera possible que si on les accompagne.

Nous avons déjà enregistré une réduction de 20 % de la quantité des substances actives (QSA) vendues entre 2015-2017 et 2022. La génétique nous a aidés à atteindre ces résultats. Nous avons observé une réduction importante des produits les plus dangereux, les CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques) 1 et 2, avec une baisse de 96 % pour les CMR 1 et de 22 % pour les CMR 2, du fait des interdictions qui sont intervenues. Globalement, les QSA augmentent, à l'inverse, pour le biocontrôle et pour les produits utilisables en agriculture biologique. Nous évoluons donc et il est important de souligner ces progrès.

Nous avons également mis en place des indicateurs basés sur ce que le Contrat de solutions et ses partenaires proposent, notamment en ce qui concerne les variétés résistantes. Par exemple, dans la culture de pommes de terre, les agriculteurs utilisent largement des variétés résistantes au mildiou, ce qui a permis de réduire de 30 % l'utilisation de fongicides. De même, dans le domaine des maladies fongiques, nous avons doublé le nombre de variétés résistantes pour le blé. Ces variétés résistantes ne peuvent pas s'imposer aussi rapidement dans les vignes, qui sont des plantes pérennes. Mais l'on observe néanmoins une augmentation de 167 % des surfaces cultivées avec des variétés résistantes au mildiou et à l'oïdium. Toutes ces avancées sont facilitées par des outils d'aide à la décision, que ce soit pour les pommes de terre, le blé ou d'autres cultures. Notre approche globale est ainsi largement soutenue par la génétique et tous les partenaires sont acteurs de cette transition.

De plus, nous devons continuer à travailler avec le machinisme, qui nécessite d'importants investissements sur les exploitations agricoles. Nous savons que la robotique, le machinisme et le numérique joueront un rôle essentiel dans le futur. Cependant, un robot semeur et désherbeur de betteraves représente aujourd'hui un investissement d'environ 100 000 euros pour une autonomie d'environ 20 hectares. À l'échelle de la filière de la betterave, l'investissement représenterait environ deux milliards d'euros pour généraliser cette pratique. Il est évident que des efforts doivent être réalisés en matière d'innovation.

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