Intervention de Pierre-Étienne Bisch

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 9h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Pierre-Étienne Bisch, coordonnateur interministériel du Comité d'orientation stratégique du plan Écophyto :

Il est probable que jusqu'à un temps assez récent, l'économie était le principal moteur de l'ensemble du système. Cependant, la situation évolue. On pense souvent que, pour Écophyto, le ministère de l'agriculture est prépondérant ; en réalité, ce domaine suppose des discussions importantes avec le ministère de l'écologie, dont la capacité de négociation a beaucoup augmenté ces derniers temps. Ainsi, si la puissance économique a longtemps été prédominante, je pense qu'elle est actuellement sérieusement remise en question. Dans le monde agricole lui-même, les agriculteurs, qui sont aussi des pères de famille, prennent conscience qu'il existe un problème potentiel en lien avec la vaporisation des produits phytosanitaires. Je crois que les dimensions écologique et sanitaire ne sont plus seulement une passion minoritaire. Votre commission déterminera plus précisément dans quelle mesure ces changements sont en train de s'opérer ou non.

En ce qui concerne l'idée que, même au sein de l'Europe, il pourrait y avoir la possibilité d'agir à des rythmes différents, vous êtes probablement au courant que nous disposons en France d'une autorité indépendante, l'Anses, chargée de mettre en œuvre la règlementation européenne dans le pays – cette agence est ainsi contrainte par les règles européennes. De plus, les différentes autorités sanitaires nationales se regroupent en trois ou quatre sous-ensembles régionaux pour l'examen des dossiers d'autorisation. Dans le cadre des évaluations de l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa), ce sont des consortiums d'agences nationales qui se regroupent pour travailler ensemble à des rapports d'évaluation primitifs. Cela prouve que nous avons intégré, au niveau communautaire, la possibilité d'avoir des éléments d'analyse différenciés entre les différentes régions de l'Europe. Cependant, je ne pense pas que cela autorise des différences d'analyse au sein de chaque pays.

L'Anses peut différencier dans le cadre de ses autorisations. Par exemple, la réglementation des produits à base de glyphosate a donné lieu à une analyse de l'Anses bassin viticole par bassin viticole. En parallèle, l'Inrae a analysé les surcoûts engendrés par l'abandon du glyphosate. Il en ressort que la solution appropriée peut varier d'un bassin à l'autre. Il pourrait être judicieux de discuter de ces questions avec le directeur général de l'Anses. À ma connaissance, l'Anses peut distinguer territorialement les réponses, s'il y a des motifs d'ordre sanitaire.

S'agissant du coût lié à la réduction ou à l'abandon des pesticides, j'avais sollicité la profession du machinisme agricole pour évaluer la capacité de réponse de l'appareil productif présent en France – ce qui inclut les entreprises étrangères opérant sur le territoire français – en cas de suppression totale du glyphosate. Nous avons constaté que cette capacité de réponse ne serait pas immédiate car il faudrait prendre en considération de nombreux aspects, notamment la production de machines spécifiques adaptées à l'absence de glyphosate. Plusieurs années seraient nécessaires. Ce n'est donc pas uniquement une question de surcoûts, mais également de la capacité de l'industrie à s'adapter à une décision radicale.

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