Intervention de Philippe Brun

Séance en hémicycle du jeudi 2 novembre 2023 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Investir pour la france de 2030 ; plan de relance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Brun :

« Puisque l'exécution du Plan exige la collaboration de tous, il est essentiel que tous les éléments vitaux de la nation y soient associés ». Cette phrase de Jean Monnet prononcée dans l'enceinte de cette assemblée en 1945 décrit l'esprit de concorde qui devrait présider aux grands plans d'investissements qui conditionnent l'avenir de notre pays, la France. Pourtant, monsieur le ministre délégué, j'ai le regret de vous dire que le compte n'y est pas.

Nous avons besoin d'investissements publics forts. Or, la France est le sixième pays de la zone euro en matière de dépenses d'investissement. Nous consacrons 4,9 % de notre PIB à l'investissement public, contre 5 % en Allemagne et 6,7 % en Italie. Le plan France 2030 que vous nous présentez, dont l'exécution pour l'année 2024 fait l'objet de nos discussions, paraît bien maigre, comparé aux 100 milliards d'euros du plan de relance annoncé après la crise du coronavirus ; bien maigre également lorsqu'on le compare à des exemples étrangers – je pense en particulier aux États-Unis.

Hier encore, la presse s'est fait l'écho du succès du plan massif d'investissement de l'Inflation Reduction Act américain. Rendez-vous compte, mes chers collègues : sur les 370 milliards de dollars prévus, plus de 108 milliards ont déjà été décaissés en un an, en faveur de plus de 210 projets allant de la voiture électrique à la transition énergétique. Avec nos pauvres 7,7 milliards d'euros budgétés dans le PLF pour 2024, nous semblons en vérité extrêmement loin du compte. Loin du compte, je l'ai dit, par rapport aux exemples étrangers, mais loin du compte aussi eu égard aux immenses défis auxquels nous sommes confrontés.

Regardons-les en face. Imaginer la France de 2030 et investir pour elle, c'est savoir quelle France nous voulons. Nous voulons d'abord une France décarbonée qui respecte ses engagements climatiques. Or – cela a été rappelé par notre rapporteur spécial, Damien Maudet – est-il normal que seuls 10 % des crédits du plan France 2030 soient réservés à la transition écologique ? Est-il normal que durant l'année 2022, seuls 2 millions d'euros aient été affectés à des investissements verts ? Cela paraît totalement ubuesque compte tenu des enjeux. Est-il normal que le Gouvernement ait revu à la baisse ses objectifs de production de logements sociaux avec excellence environnementale ? Les documents budgétaires annexés montrent en effet que l'objectif de 56 000 logements a été ramené à 28 000 logements. Nous sommes, nous le voyons bien, loin du compte.

Nous sommes également loin du compte s'agissant du deuxième objectif qui devrait tous nous rassembler, celui de la défense de notre souveraineté industrielle et numérique. Regardons la cartographie des investissements prévus par France 2030, en nous penchant sur l'exécution de l'exercice 2022 et sur les programmes validés par la Première ministre. Sur plus de 600 projets validés au titre de France 2030, ma région, la Normandie – pourtant la deuxième région industrielle de France – n'en accueille que 39. Elle se retrouve ainsi à l'avant-dernier rang des régions bénéficiaires des projets et des subventions de France 2030. C'est bien la preuve que l'industrie n'est pas non plus la priorité de ce programme destiné avant tout aux états-majors des grandes entreprises.

On voit mal comment favoriser notre souveraineté et réindustrialiser ce pays qui est aujourd'hui l'homme malade de l'Europe en concentrant les investissements dans les entreprises du CAC 40 et non dans les territoires, ce que nous devrions pourtant défendre.

En vérité, monsieur le ministre délégué, c'est à un changement de paradigme que nous vous appelons. L'exemple américain est à cet égard éclairant : les politiques fondées sur le seul soutien à l'offre et sur les réductions d'impôt ont dix ans de retard. Aujourd'hui, nos voisins n'ont que les mots souveraineté et investissement à la bouche, et ils sont sortis, contrairement à nous, de la parenthèse néolibérale. Il nous faut défendre autrement notre souveraineté.

Lorsque Sanofi annonce se séparer de son pôle Santé grand public, on comprend qu'on ne réussira jamais à défendre notre souveraineté en laissant faire ainsi le marché. C'est le message que nous vous adressons ce matin, monsieur le ministre. Pour toutes ces raisons, les socialistes s'opposeront à ces crédits.

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