Intervention de Anne Stambach-Terrenoir

Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Stambach-Terrenoir :

Le Gouvernement se félicite d'une augmentation inédite de plus de 86,5 % des crédits destinés à la protection des milieux et de la biodiversité. « Make our planet great again », nous y sommes !

Mais parlons un peu des montants rapportés aux enjeux – au bout du compte, il s'agit de préserver les conditions de notre survie : 512 millions d'euros sont inscrits pour l'eau et la biodiversité – c'est-à-dire pour le vivant – quand 700 millions d'euros sont investis pour les nouveaux projets routiers – donc en faveur de l'artificialisation.

Les scientifiques nous mettent en garde. Nous vivons une crise d'extinction massive des animaux et des plantes, la première depuis la disparition des dinosaures. On constate, par exemple, une reproduction faible ou anormale des oiseaux d'eau et des amphibiens, tandis que les insectes disparaissent à toute vitesse. Notre maison brûle et on investit un peu, tout en menant une politique incohérente.

Lors de la COP15, Emmanuel Macron s'est vanté d'avoir déjà classé 33 % du territoire français en aires protégées. Mais protégées de quoi ? Dans ces aires, sont inclus les parcs naturels régionaux, dans lesquels l'agriculture intensive et les coupes rases sont permises. La pêche industrielle est autorisée dans les aires marines protégées, alors qu'elle est en train de vider nos océans.

Rien n'est dit dans la stratégie nationale pour la biodiversité au sujet de l'agriculture intensive, alors que ses effets sur la biodiversité sont considérables. Le nombre d'oiseaux des champs a diminué de 60 % en quarante ans. En mai dernier, une étude a montré que la principale cause de ce phénomène était l'agriculture intensive, qui fait un usage massif des intrants de synthèse que sont les pesticides et les engrais. Interdit-on les pesticides ? Non. On recule même encore une fois au sujet du plus dangereux d'entre eux, le glyphosate.

C'est malheureusement la même chose en ce qui concerne la politique de l'eau. Le rehaussement du plafond de recettes des agences de l'eau va dans le bon sens, mais il faut surtout en finir avec le « plafond mordant » qui limite leurs ressources.

Le plan Eau du Gouvernement ne prévoit aucune participation du secteur agricole aux efforts de sobriété en matière de consommation d'eau. Pourtant, l'agriculture représente 45 % de l'eau utilisée en France. On ne change rien, alors que nous avons connu l'an dernier une sécheresse hivernale inédite et qu'au 1er août, le niveau de 72 % des nappes phréatiques était inférieur à la normale. À Toulouse, la Garonne est à un niveau historiquement bas. Il n'est prévu aucun effort pour végétaliser notre alimentation, alors qu'il faut 15 500 litres d'eau pour produire un kilogramme de viande de bœuf. Cerise sur le gâteau, M. Fesneau veut décréter que les méga-bassines qui pompent dans les nappes sont d'intérêt public majeur.

Enfin, rien n'est prévu pour améliorer la qualité de l'eau, alors que 90 % de nos cours d'eau sont pollués par les pesticides, que l'eau potable contient des microplastiques et qu'en mai dernier, une enquête du journal Le Monde avait pointé la présence massive de substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (PFAS) – qui sont des polluants éternels.

Les moyens annoncés pour lutter contre les fuites dans les canalisations ne sont pas non plus à la hauteur. M. Béchu a pourtant lui-même annoncé que ce taux de fuite allait de 5 % à 70 %. La situation est urgente dans les outre-mer. À Mayotte, il n'y a l'eau courante qu'un jour sur trois.

Voilà ce à quoi nous devons faire face. La préservation de l'eau va être le défi majeur du XXIe siècle. Il faut donc des investissements massifs, mais aussi des personnels pour mettre en place des politiques ambitieuses et efficaces. Soixante-six postes supplémentaires pour les agences de l'eau, c'est une excellente nouvelle. Mais il en manque encore 105 pour revenir au niveau de 2017. Le PLF prévoit 10 postes supplémentaires pour le Cerema, qui joue un rôle capital pour la mise en place à l'échelle locale des politiques publiques écologiques. Or il a perdu 394 postes depuis 2017. Pire encore, l'IGN qui observe, décrit et cartographie les habitats naturels ou encore les parcelles agricoles, perd 25 postes cette année, soit 120 en tout depuis le premier quinquennat Macron. Comment justifier cela en cette période d'urgence climatique et écologique ?

Déjà condamné deux fois pour inaction climatique, le Gouvernement l'a été une nouvelle fois en juin dernier pour manquement à ses obligations de protéger la biodiversité. Cela devrait être une alerte rouge. Au-delà des mots, il faut des actes et des investissements autrement plus ambitieux que ceux annoncés dans ce PLF.

Nous faisons face à la sixième extinction de masse des espèces. La vie n'a pas de prix.

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