Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 21h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis, rapporteur pour avis :

Monsieur Terlier, vous nous parlez si souvent du Tarn et de tout ce qu'il s'y passe de génial qu'il faudrait que la France soit tout entière à son image. Cela s'explique peut-être par le fait que certaines préfectures sont mieux dotées que d'autres – c'est d'ailleurs l'analyse qu'avait faite la Cour des comptes dans son rapport de 2021 sur la mission AGTE. Des éléments historiques l'expliquent, mais la Cour regrettait l'absence d'un pilotage suffisamment effectif de l'affectation des moyens en fonction des besoins des préfectures. Le Sud est un peu mieux fourni que le Nord – tant mieux pour le Tarn.

Néanmoins, nous avons interrogé l'administration centrale et tout n'est pas aussi rassurant qu'il le faudrait puisqu'une fois que des effectifs arrivent dans une préfecture, chaque préfet les affecte comme il veut, sans garantie qu'ils aillent remplir la tâche initialement prévue. C'est une souplesse de gestion appréciable pour les préfets, moins pour l'administration centrale. Au rythme actuel des recrutements, il faudra vingt-cinq ou trente ans pour résorber les disparités constatées sur des critères objectifs pondérés en fonction de la taille et des besoins des préfectures.

S'agissant des maisons France Services, le ministère de l'intérieur a prévu d'augmenter sa contribution mais la promesse initiale de 50 % de financement par l'État n'est toujours pas atteinte. Nous en sommes à 40 %, contre 30 % au début. Depuis 2010, environ 4 400 postes ont été supprimés dans les préfectures et les sous-préfectures et très peu sont recréés : dans ma grande générosité, je vous en accorde 232, même si ce n'est en réalité que 147 ETP en plafond d'emplois. On est loin d'avoir rétabli la situation !

L'accueil des services est donc pris en charge à 50 % par les collectivités territoriales alors que ce n'était auparavant pas de leur responsabilité. Je vois bien l'intérêt pour les élus locaux d'avoir une maison France Services, et ils se disent sans doute que cette dépense est utile, mais il s'agit tout de même d'un transfert budgétaire qui met à la charge des collectivités territoriales ce qui relevait soit de l'État, soit du budget de la sécurité sociale. Il ne faut pas vous donner trop facilement des satisfecit, chers collègues de la majorité.

Madame Lorho, le ministre a répondu en partie à vos questions. Nous avons été alertés par le collectif Nos Services publics du fait que l'essentiel des effectifs nouveaux, qui sont peau de chagrin à l'échelle du pays – une cinquantaine d'agents pour cent départements –, étaient affectés aux services de l'éloignement et du contentieux et non de l'accueil. Pour l'accueil en effet, c'était la plateforme dématérialisée qui était prévue, qui ne fonctionne pas comme elle le devrait et dont tout le monde se plaint. Même ceux qui souhaitent davantage d'expulsions peuvent quand même se dire que, lorsqu'une personne est en règle, qu'elle a un travail et qu'elle galère pendant six ou sept mois juste pour être dans son bon droit, ce n'est satisfaisant pour personne. Sans parler de l'employeur, qui se retrouve dans une situation délicate alors qu'il s'agit seulement d'un problème de délai de l'administration. Nos processus administratifs créent des sans-papiers.

Monsieur Mandon, on n'accède pas aux listes d'émargement de façon dématérialisée, mais n'importe qui peut aller sur internet, si tant est qu'il ait une connexion, pour vérifier qu'il est inscrit sur les listes électorales. On peut d'ailleurs télécharger son attestation d'inscription, ce que savent, au passage, les candidats aux élections sénatoriales… Mais, en effet, il n'y a pas de budget afférent à la lutte contre l'abstention. D'ailleurs, il existait auparavant des grandes campagnes de communication pour appeler à s'inscrire sur les listes et aller voter. Cette charge revient désormais aux collectivités locales – un autre transfert masqué.

Monsieur Vicot, j'ai assez peu parlé des secrétariats généraux communs, qui doivent regrouper les fonctions support de plusieurs ministères. Cette réforme ne donne pas du tout satisfaction. Elle a été faite de façon dogmatique – mutualiser dans un objectif de réduction d'emplois – tout en affirmant qu'il y avait des emplois supplémentaires. Je comprends bien que les gilets jaunes ont un peu bousculé les plans initiaux et qu'il a fallu se réorganiser, mais les fameux « chantiers de convergence » qui devaient harmoniser la gestion administrative entre les ministères concernés n'ont pas vu le jour. Ainsi, en 2023, il n'y a toujours pas de logiciels communs : résultat, des agents des différents ministères sont rassemblés dans le même espace, mais travaillent chacun avec son propre logiciel… Les syndicats font état de souffrance au travail parmi les agents.

Sur l'illectronisme, la Défenseure des droits a rappelé que l'aide au clic avait ses limites. Quand quelqu'un n'a pas d'adresse mail ou ne veut pas en avoir, vous aurez beau la créer avec lui, s'il ne consulte pas sa boîte, il sortira de nouveau de la démarche et se remettra en difficulté. C'est pourquoi nous plaidons en faveur d'un accueil physique et de procédures non dématérialisées.

Monsieur Lemaire, vous vous félicitez des 110 agents supplémentaires prévus pour les secteurs prioritaires mais si vous divisez ce nombre par celui des préfectures, puis par les cinq grandes missions auxquelles ils sont censés être affectés, il ne reste plus grand monde. Certes, une hausse est toujours mieux qu'une baisse mais cela ne suffira pas pour produire un quelconque effet de levier. Enfin, le séparatisme et la radicalisation, un des cinq secteurs prioritaires en question, sont chapeautés par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui s'est fait tristement connaître pour ses histoires de gestion du fonds Marianne.

Monsieur Léaument, la délégation des tâches administratives, soit aux collectivités, soit aux gens eux-mêmes, est un fait. Cela ne fonctionne pas. N'oublions pas que, parmi la population touchée par l'illectronisme, il y a une majorité de jeunes, éloignés des démarches administratives parce qu'ils ne les comprennent pas.

Enfin, monsieur Molac, il ne m'appartient pas de commenter vos souhaits de fédéralisme et de décentralisation, même si j'ai mon avis. Un plan est prévu dans le programme 112 de la mission Cohésion des territoires pour mieux faire connaître les maisons France Services. Cela va dans le bon sens. Il faut leur laisser un peu de temps. Les préfectures, elles, sont là depuis 1800 !

Quant à l'envoi des professions de foi, nous devons arriver à une vraie qualité de service. Vous remarquerez que, pour les élections sénatoriales, tout le monde a reçu ses professions de foi : il y avait moins d'électeurs, certes, mais surtout tout le processus était fait en interne dans les préfectures. Encore une fois, 100 % de service public, c'est 100 % de bons résultats.

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