Intervention de Pascal Couturier

Réunion du mardi 19 septembre 2023 à 15h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Pascal Couturier, secrétaire général de la CFDT Cheminots :

Le Gouvernement ne peut pas s'engager à la place des chargeurs. Un chargeur est un industriel, il fait des choix économiques et financiers. Dès l'instant où vous mettez en place ce genre de scénario, vous induisez un momentum poussant les chargeurs à se réinterroger. Cela peut précipiter des décisions qui étaient peut-être dans les cartons. La discontinuité peut être accélératrice de décisions.

Aujourd'hui, nous commençons à avoir une certaine vision sur ces vingt-trois flux. Le premier constat est que certains chargeurs vont activer la clause de six mois. Pourquoi ? Peut-être n'ont-ils pas pris leur décision ou peut-être ne sont-ils pas forcément mécontents du service offert par Fret SNCF. Il existe un engagement extrêmement fort des cheminots de Fret SNCF en faveur du fret ferroviaire. La force des collectifs de travail est indéniable. Comme je le soulignais, la SNCF a fait la démonstration, pendant la crise sanitaire, qu'elle est une entreprise résiliente, riche d'une valeur de service public présente intrinsèquement chez tous les cheminots. Je pense que les chargeurs le constatent.

Certains flux ont déjà été transférés et nous voyons là aussi des attitudes très différentes des entreprises du secteur. Certains se sont peut-être un peu précipités pour aller reprendre les trafics et d'autres sont beaucoup plus prudents, voire timorés. Pourquoi ? Parce qu'ils se sont déjà un peu frottés à ces trafics du combiné, qui ne sont pas les trafics les plus simples à opérer. Ce sont des trains suivis, des trains pour lesquels les exigences des clients sont très fortes. Surtout, Fret SNCF a un atout, celui du caractère mutualisé de ses activités qui lui donne des capacités en termes de réactivité que certaines entreprises concurrentes n'ont pas pour gérer les aléas de production.

S'agissant des chargeurs, nous savons très bien que des décisions ne se prennent pas en France. De nombreux clients du fret sont des multinationales ou des entreprises dont les sièges sociaux ne sont pas forcément en France. Nous voulons aussi souligner que nous sommes dans un moment compliqué pour les salariés. On a du mal à y voir clair dans les choix des industriels et des chargeurs, ce qui engendre, en corollaire, des risques psychosociaux et un impact exacerbé sur les salariés, tant il est compliqué aujourd'hui de mettre en œuvre une gestion prévisionnelle de l'emploi, de voir quels dispositifs de mobilité, notamment interne, pourraient être mis en place, faute d'avoir une vision des charges de travail à partir du 1er janvier. Ce momentum accentue le caractère anxiogène de la discontinuité. Pendant des mois, la rumeur a précédé l'arrivée du sujet. La phase d'étonnement laisse place à une phase de colère. Au final, la baisse des trains va coûter plus cher dans un moment où l'argent public se fait rare.

Enfin, il faut mesurer l'effet de souffle sur le secteur. Certaines entreprises se montrent prudentes et peuvent imaginer un phénomène de désimbrication beaucoup plus important, poussant à accélérer la phase de report modal, ce qui serait préjudiciable à l'intégralité du secteur. Quand vous regardez l'écosystème des entreprises ferroviaires, certaines ont par exemple trouvé un point d'équilibre sur des marchés de niche. Elles ont une taille organique qu'elles n'ont pas forcément envie de voir augmenter. La concurrence existe, mais pas forcément dans un cadre de lutte au couteau. Des acteurs voient ce qui se passe pour le fret en considérant qu'il pourrait y avoir des impacts en termes de report modal. Ils peuvent estimer qu'ils en paieront conséquences.

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