Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 18 octobre 2023 à 15h00
Débat sur la dette

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

En 2023, la dette publique française dépasse les 3 000 milliards d'euros et le déficit public les 4 % du PIB, soit deux points de plus que la moyenne des pays de la zone euro. Il faut d'ailleurs le signaler : à l'exception de la France et de l'Italie, tous les autres pays de la zone euro ont réussi à réduire leur déficit et leur dette ces deux dernières années.

La dette française demeure donc largement supérieure au seuil de 60 % du PIB, fixé par le traité de Maastricht de 1992. Ce seuil a été dépassé par la France dès la fin de l'année 2002 et nous ne sommes ensuite jamais revenus dans les limites autorisées. Or si cette règle des 60 % ainsi que celle d'un déficit public inférieur à 3 % du PIB ont été suspendues en raison de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, elles devraient être réactivées en 2024.

Pour tenter de redresser nos comptes publics, votre loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, adoptée il y a quelques jours grâce à un 49.3, prévoit un désendettement graduel et une réduction du déficit de 4,9 % du PIB cette année à 2,7 % en 2027. Mais pas de chance : le Haut Conseil des finances publiques, organe indépendant rattaché à la Cour des comptes, a rendu son verdict et estimé que vos prévisions économiques étaient trop optimistes et que votre trajectoire manquait singulièrement d'ambition si on les comparait avec celles d'autres pays de l'Union européenne.

Voilà qui n'aidera certainement pas à améliorer notre note financière ! Nous n'aurons d'ailleurs pas longtemps à attendre pour être fixés sur ce point, puisque l'agence de notation Moody's doit se prononcer dès ce vendredi 20 octobre. En avril dernier, c'est l'agence Fitch qui avait abaissé d'un cran la note française, ce qui fut un véritable coup de semonce pour notre économie. Cette mauvaise note avait été justifiée par « des déficits budgétaires importants et des progrès modestes » concernant leur réduction, après trois années d'abondantes dépenses publiques liées au quoi qu'il en coûte et aux mesures destinées à amortir le choc du covid-19 et celui de l'inflation. Et, pourquoi le cacher, Fitch s'était aussi inquiété de l'impasse politique dans laquelle se trouvait le Gouvernement français à la suite des fortes tensions sociales liées à la réforme des retraites.

Afin de rassurer les marchés, vous avez annoncé, monsieur le ministre, vouloir donner des gages de sérieux, prévoyant ainsi 16 milliards d'économies dans votre projet de loi de finances pour 2024, lesquels résultent pour leur plus grande partie de la fin de mesures exceptionnelles, comme le bouclier tarifaire pour l'électricité. Et c'est bien là que le bât blesse, car vous ne faites donc pas de réel effort d'économies. La France est le pays ayant le moins réduit son déficit depuis trois ans. La dette publique est à peine stabilisée chez nous, alors qu'elle décroît dans les autres pays. Et vous prévoyez, monsieur le ministre, de creuser encore la dette en empruntant 285 milliards d'euros sur les marchés financiers en 2024, ce qui est un record jamais atteint.

Les choses ne sont pourtant pas toujours allées de la sorte : il y a dix ans, à la sortie de la crise des dettes souveraines, la France figurait en effet en milieu de tableau, avec une dette qui se montait à 90,6 % du PIB. Fin 2022, ce taux a atteint 111,8 %, soit vingt points de plus que la moyenne des États de la zone euro, qui se situait à 91,6 %.

À quoi est due cette dégradation ? La France n'a jamais pris les choses à bras-le-corps pour tenter de rationaliser ses dépenses publiques, alors que ses voisins, eux, prenaient le taureau par les cornes. Résultat : en 2026, selon vos propres projections, la France devrait être le seul grand pays européen à ne pas afficher un déficit inférieur à 3 % du PIB.

Pour redresser la barre, il n'y a pas trente-six solutions ! Le problème de notre dette publique est qu'elle n'est pas efficace. Chaque année depuis 2017, elle progresse plus vite que le PIB, si bien que la croissance ne suffit pas à payer les intérêts. L'unique solution est donc de diminuer nos dépenses et de nous atteler enfin à de grandes réformes. De plus, quand près de la moitié de nos créances se trouvent dans des mains étrangères, c'est que nous ne sommes plus tout à fait souverains. En définitive, la tâche est immense, mais pas insurmontable.

Nous ne pouvons plus dépenser sans compter et emprunter pour boucler nos fins de mois : c'est une stratégie bien trop risquée à l'heure de la remontée des taux.

Nous devons donc nous atteler de toute urgence à réduire les dépenses. Des choix devront être faits et j'ai quelques propositions à vous soumettre…

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