Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du mercredi 18 octobre 2023 à 15h00
Débat sur la dette

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Il existe pour les ménages un encadrement précis du ratio d'endettement. Quant aux collectivités territoriales, il leur est strictement interdit de voter un budget qui ne serait pas à l'équilibre. Pendant ce temps, l'État a décidé de se soustraire à toutes les règles en matière d'endettement et de déficit publics – cela ne date pas d'aujourd'hui.

La dette atteint 3 047 milliards d'euros ; le chiffre est tellement énorme qu'il ne parle plus. En 2024, 285 milliards d'euros seront empruntés sur les marchés financiers et les intérêts s'élèveront à 57 milliards d'euros. Voilà, monsieur le ministre, le bilan catastrophique de votre gestion budgétaire. L'année 2024 sera de nouveau celle de tous les records et celle d'un bien triste anniversaire puisque, pour la cinquantième année consécutive, la France affichera un budget toujours plus en déficit. Le cadeau sera empoisonné : près de 45 000 euros de dette par Français.

Monsieur le ministre, vous semblez entretenir un rapport complexe avec la réalité. Vous continuez à vous arc-bouter sur des éléments de langage dépassés, consistant à nous faire croire que le redressement des comptes publics est votre seule priorité. Or, qu'en est-il de la situation budgétaire de la France ? La réalité, c'est que tous nos indicateurs décrochent pendant que vous tentez maladroitement de maquiller la vérité par des prévisions macroéconomiques grossièrement surestimées. Sur ce point, l'avis du Haut Conseil des finances publiques est implacable puisqu'il qualifie d'« élevée » votre prévision de croissance et estime, dès lors, « optimiste » la prévision de déficit et « incertaine » celle de la dette – vous noterez toutes les précautions lexicales prises.

La réalité, c'est que derrière toutes vos belles promesses se cachent un effort budgétaire quasi nul et des objectifs impossibles à atteindre. La réalité, c'est que la progression des dépenses publiques sera plus importante que celle recommandée par l'Union européenne. En effet, la hausse nominale des dépenses primaires nettes s'élèvera à 2,6 %, alors que le plafond demandé est de 2,3 %.

La réalité, c'est que sur les 16 milliards d'euros d'économies annoncées à plusieurs reprises, 14,4 milliards reposent exclusivement sur l'extinction des dépenses exceptionnelles : ce n'est pas un effort. La réalité, c'est donc que la France conservera bien en 2024 un niveau d'endettement élevé à hauteur de 109,7 % du PIB. Monsieur le ministre, à ce rythme et en dépit de vos gesticulations, il nous faudra plus d'un demi-siècle pour repasser sous la barre des 60 % d'endettement.

Quelles en seront les conséquences ? Sur le plan national, la soutenabilité de nos finances publiques à moyen terme inspire la plus grande inquiétude, la capacité d'investissement structurel est entravée, nos services publics reculent, notre marge de manœuvre est quasi nulle en cas de nouveau choc macroéconomique – financier ou sanitaire –, et les générations futures seront sacrifiées. Tel sera votre bilan.

Sur le plan européen, nous continuons d'accumuler les mauvais points. En 2024, la France sera le troisième pays le plus endetté d'Europe. En 2017, lorsqu'Emmanuel Macron a été élu, sept pays européens avaient un ratio de dette plus élevé que le nôtre. Désormais il n'en reste plus que deux : la Grèce et l'Italie. Pour 2024, notre déficit, pourtant sous-évalué, est estimé à 4,4 % du PIB contre 2,4 % pour la moyenne de la zone euro – 3 % en Espagne et 1,7 % en Allemagne. Tous les pays de l'Union européenne, à l'exception de la France, auront un déficit public inférieur à 3 % du PIB à l'horizon 2025. En bref, nous serons le dernier pays de la zone euro à repasser sous la barre des 3 %.

Monsieur le ministre, le redressement de la trajectoire est une absolue nécessité, et demande une détermination et un courage politique dont, jusqu'à ce jour, vous n'avez jamais fait preuve. En 2017, le candidat Macron promettait de réaliser 60 milliards d'économies en cinq ans, de ramener les comptes publics à l'équilibre et de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires. Six ans plus tard, il a fait exactement le contraire. En résumé, en dix ans de pilotage des finances publiques par Emmanuel Macron, la dette de la France, dont la charge devrait atteindre 84 milliards d'euros en 2027, a augmenté de 1 000 milliards. C'est votre bilan, votre responsabilité. La note de la France a été dégradée par l'agence Fitch et nous devrions faire l'objet d'une procédure de surveillance pour déficit excessif de l'Union européenne. D'ailleurs, vendredi, la note rendue par l'agence Moody's sera scrutée par les marchés financiers.

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