Intervention de Sophie Binet

Réunion du jeudi 7 septembre 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT :

Nous avons fait partie des organisations qui ont remis en cause le schéma national du maintien de l'ordre. Le Conseil d'État l'a largement censuré, notamment sur les dispositions touchant aux journalistes et aux nasses. La question des évacuations est essentielle car nasser des manifestants est catastrophique.

Il y a une évolution positive depuis la nomination du nouveau préfet de police de Paris, qui a rétabli des échanges techniques et constructifs avec les organisations syndicales. Les conditions d'évacuation sont négociées au dépôt de la déclaration de manifestation. Les échecs résultent de l'irrespect des conditions négociées au préalable, parfois pour des raisons que l'on peut entendre comme des incidents dans la manifestation. Ce n'est toutefois pas toujours le cas : ainsi, on nous avait dit que nous disposerions d'endroits pour évacuer des véhicules et des militants à la fin de la manifestation du 1er mai 2021, mais les voies d'accès sont restées fermées sans que l'agent de liaison puisse se faire entendre du reste des forces de l'ordre sur lesquelles il n'a pas autorité. Notre interlocuteur doit pouvoir immédiatement nous donner les réponses dont nous avons besoin et prendre les mesures permettant de libérer les militants nassés ou les véhicules bloqués.

Je rejoins les propos de mes collègues sur le cortège de tête. Nous sommes derrière lui, donc nous ne pouvons évaluer la croissance, ou non, des groupes qui le composent. La nécessité de renforcer les syndicats est tout à fait évidente : les salariés l'ont bien compris et ils adhèrent en nombre, grâce à cette mobilisation, à toutes les organisations syndicales. Nous avons interpellé les pouvoirs publics, notamment le Président de la République, sur le fait que la crédibilité des syndicats augmentait quand leurs alertes étaient entendues. Or, nous avons prêché pendant un an dans le désert en disant que cette réforme des retraites était mauvaise, qu'il ne fallait pas l'adopter, laisser le Parlement se prononcer et négocier avec les syndicats. Quand nos actions, manifestations et grèves n'obtiennent pas de résultat, certains en concluent que d'autres modes d'action sont à privilégier. Voilà pourquoi les politiques publiques doivent avoir pour objectif de renforcer les organisations syndicales dans les entreprises, les branches et au niveau national.

Comme je le disais dans mon propos liminaire, la banalisation de la répression syndicale nous inquiète. Plusieurs rapports, notamment celui de la Défenseure des droits, montrent que le premier motif de non-adhésion à un syndicat tient à la discrimination syndicale. Si vous créez une commission d'enquête sur le sujet, nous serons ravis d'y participer car nous rencontrons ce problème dans tout le pays. Je pourrais multiplier les exemples de délégués syndicaux licenciés parce qu'ils occupent cette fonction ou qu'ils font grève.

Nous continuons à alerter le Président de la République et le Gouvernement sur la défiance profonde entre les citoyens d'une part, et les pouvoirs publics et les institutions de l'autre. Nos messages ne sont pas entendus. Le décalage entre les paroles et les actes s'approfondit. Le pouvoir dit qu'il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat et de salaire alors que les gens vivent une réalité totalement différente, marquée par des fermetures d'usine et par l'impossibilité d'un nombre croissant d'entre eux de vivre de leur travail. Nous regardons avec inquiétude les quatre prochaines années car le couvercle de la cocotte-minute peut exploser à tout moment. Pour l'éviter, il faut déployer des politiques qui entendent les préoccupations du monde du travail en termes d'emploi, de salaire et d'environnement, et qui ne considèrent pas les salariés de ce pays comme une variable d'ajustement.

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