Intervention de Fabrice Melleray

Réunion du mercredi 27 septembre 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Fabrice Melleray, agrégé de droit droit public :

Madame Untermaier, vous avez indiqué que je m'étais probablement porté candidat, ce qui n'est pas le cas. J'ai été contacté par le cabinet de la présidence de l'Assemblée nationale.

Je souhaiterais lever une ambiguïté concernant la question des sanctions. Le suivi des mises en garde supposerait des moyens considérables. Quand vous demandez à plusieurs milliers de personnes de ne pas entrer en contact, comment pouvez-vous vous assurer que cette exigence est respectée ? Envoyer un courrier de rappel tous les ans suffit-il ? La HATVP dispose de moins de soixante-dix agents et d'un budget d'un peu plus de 9 millions. Elle n'a pas la capacité de tout vérifier.

Le pouvoir de sanction ne porterait pas sur le non-respect des mises en garde mais, de manière beaucoup plus modeste, sur les absences de déclaration. Celles-ci concernent une cinquantaine de personnes. Saisir le parquet pour quelqu'un qui souffre de phobie administrative légère n'est pas forcément la solution. Une sanction proportionnée suffit généralement pour que les informations soient transmises.

Évidemment, si vous quittez une fonction pour en reprendre une autre quelques jours plus tard, faire deux déclarations dans un laps de temps aussi court n'a pas grand sens. En cas de modification brutale de votre patrimoine, vous devez de toute façon le signaler. Toutefois, je pense que les textes ne permettent pas d'alléger la procédure ; il faudrait les modifier.

S'agissant de la révocation des élus, madame Garrido, je ne rejoindrais pas la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique si elle devait être dotée d'un tel pouvoir : je ne me sentirais pas du tout capable de prendre une telle responsabilité. Je comprends très bien la dimension politique de cette évolution, qui sera peut-être un jour votée par le Parlement, mais elle exige des qualités, notamment de sagesse, que j'estime très sincèrement ne pas avoir. Le rôle que je peux jouer est plus technique et plus modeste.

Je reste un observateur extérieur, mais je lis les rapports de la Haute Autorité, ses avis et la presse. Je connais les polémiques. Parmi ses trois grandes attributions, le contrôle des représentants d'intérêts est la plus difficile à assurer, sans doute parce que le sujet est plus complexe et que les textes ne sont pas toujours d'une très grande clarté. De bonne foi, certains représentants d'intérêts peuvent s'interroger sur leurs obligations. S'agissant des relations avec le Parlement – qui est une dimension essentielle du sujet, mais pas la seule –, une collaboration étroite est indispensable entre la Haute Autorité, les déontologues et les assemblées. Il ne faut pas que chacun travaille de son côté.

Concernant le positionnement de la Haute Autorité, vous avez, madame Untermaier, évoqué la question du niveau local. Nous allons être confrontés à des difficultés dans ce domaine, car les textes récents sont difficiles à interpréter. Vont apparaître des conflits non seulement entre le public et le privé, mais également entre le public et le public. Ces derniers sont, à mon avis, encore plus complexes à gérer.

La Haute Autorité essaye de jouer un rôle moteur, sans avoir d'autorité hiérarchique sur les déontologues des ministères, comme j'ai pu le constater pendant cinq ans. Elle n'a pas non plus d'autorité sur les déontologues locaux. Des initiatives ont toutefois été lancées, comme une réunion annuelle des déontologues ou la diffusion d'une lettre d'information. Elles pourraient être renforcées, notamment en facilitant les occasions d'échange et de partage. Néanmoins, la Haute Autorité n'a pas vocation à devenir la cour suprême de la déontologie.

Pour ce qui est de ses missions de contrôle des patrimoines et des déclarations d'intérêts, les chiffres montrent que la Haute Autorité vérifie 30 à 40 % de ce qu'elle reçoit. En tant que députés, vous avez la chance d'être contrôlés de manière systématique, mais un grand nombre de décideurs publics ne le sont pas. Entre celles qui sont soumises à des déclarations d'intérêts et celles qui passent du public au privé, la HATVP devrait contrôler des dizaines de milliers de personnes. Je ne doute pas de l'efficacité de ses services, mais ils ne comptent que soixante-dix agents. Ils font ce qu'ils peuvent, avec les moyens dont ils disposent.

Quand le cabinet de la présidente de l'Assemblée nationale m'a contacté, je me suis renseigné auprès de personnes que je connaissais pour savoir combien de temps devait être consacré à ce mandat. Il m'a été répondu que cette activité pouvait être exercée à titre accessoire, contrairement au Conseil supérieur de la magistrature, par exemple, où il faut siéger trois jours par semaine. En l'occurrence, une réunion est organisée tous les quinze jours et les dossiers sont communiqués la veille. J'ai estimé qu'en m'organisant, je pouvais libérer le temps nécessaire sans difficulté majeure. Si vous confirmez ma nomination, je renoncerai à diverses tâches administratives. J'en ai prévenu le directeur de Sciences Po.

La question de la disponibilité des membres pourrait se poser en cas d'élargissement des compétences de la Haute Autorité. S'il faut siéger plusieurs jours par semaine au lieu d'une fois tous les quinze jours, il faudra peut-être envisager de créer des postes à temps plein, comme dans d'autres autorités administratives indépendantes. Des simplifications de la procédure sont toutefois possibles. Je faisais notamment référence à l'obligation de passer par l'intermédiaire des services fiscaux. D'autres améliorations seraient envisageables.

Lors de la nomination des membres du Gouvernement, la liste des personnes qui avaient été pressenties et qui ont finalement été écartées, non pas au terme d'un arbitrage politique mais en raison de leur situation fiscale ou de conflits d'intérêts, n'est jamais publiée. Je m'en réjouis. L'obligation de réserve et de discrétion est parfaitement respectée par les membres de la Haute Autorité. J'apprécie cette absence de fuites, alors qu'ils traitent de questions sensibles. Celle-ci participe à la légitimité de cette institution.

La HATVP remplace désormais la commission de déontologie de la fonction publique. En tant que spécialiste de droit de la fonction publique, j'ai le sentiment que cette mission est correctement remplie. Des fonctionnaires craignent parfois de ne plus pouvoir pantoufler, mais ce n'est pas le cas. Il est, en revanche, normal de les mettre en garde contre une possible infraction pénale et de leur rappeler l'existence d'un délit de prise illégale d'intérêt, dont vous avez d'ailleurs récemment révisé la formulation. Même à leur niveau de compétences et à leur niveau hiérarchique, certains d'entre eux ont tendance à l'oublier.

Pour résumer, la question des représentants d'intérêts me semble être celle qu'il faudra approfondir. Dans ce domaine, le droit n'est pas encore mûr. S'agissant des deux autres grandes missions de la Haute Autorité, des aménagements techniques permettant de simplifier les modes de fonctionnement seront certainement suffisants.

Je ne me prononcerai évidemment pas au sujet de l'agrément d'Anticor. Cette association dispose d'un agrément particulier de la HATVP concernant les représentants d'intérêts. Celui-ci avait été accordé et le Conseil d'État vient de considérer qu'il n'était pas compétent pour traiter du recours dont il était l'objet. L'affaire a été renvoyée au tribunal administratif de Paris. Pour le moment, la question est donc pendante. La HATVP n'a pas vocation à fusionner avec l'Agence française anticorruption. Si ses compétences étaient élargies de manière très importante, il faudrait lui donner des moyens considérables et son objet deviendrait différent.

Si vous voulez voter une loi vous obligeant à mettre vos patrimoines en ligne, vous pouvez le faire. Quand les premiers patrimoines ont été mis en ligne, j'avais toutefois été frappé que la presse organise une sorte de concours du plus beau patrimoine. J'ai longtemps vécu à Bordeaux. À la suite de la révélation de son patrimoine, une ancienne ministre des solidarités, bordelaise, avait reçu une demande en mariage d'un autre membre du Gouvernement. Cette démarche m'avait choqué. Si les patrimoines sont contrôlés sérieusement, je ne sais pas s'il est indispensable de les mettre en ligne. Ces informations peuvent être utilisées à plus ou moins bon escient.

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