Intervention de Thomas Cazenave

Réunion du lundi 25 septembre 2023 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics :

Il n'aura échappé à personne que bien des choses ont changé depuis l'examen du texte en première lecture. Dans ce PLPFP, qui est bien plus qu'un texte de méthode pour la gestion de nos finances publiques, le Gouvernement a fait des choix clairs pour vous proposer une trajectoire qui concilie l'investissement dans l'avenir, en premier lieu dans la transition écologique et nos services publics, et le rétablissement de nos comptes publics.

Je veux souligner la qualité du travail que nous avons mené en amont de l'examen de ce texte et du PLF dans le cadre des dialogues de Bercy. Je remercie l'ensemble des groupes qui ont participé à l'exercice cette année. Sur la justice fiscale, la transition écologique ou encore le logement, nous avons montré que nous pouvions avancer sur des sujets de préoccupation communs.

Le projet de loi traduit le cap que nous avons fixé : ramener le déficit public sous la barre des 3 % d'ici à la fin du quinquennat et réduire progressivement notre endettement public jusqu'en 2027. Ce texte est parfaitement cohérent avec le programme de stabilité présenté en avril dernier.

La France a besoin de définir un cap pour ses finances publiques. La trajectoire que nous vous proposons d'intégrer à ce texte doit nous permettre de tenir nos comptes, aujourd'hui comme demain. Y parvenir suppose de partager un même sentiment de responsabilité, mais également de répartir l'effort entre l'ensemble des administrations publiques : l'État et ses opérateurs, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.

Le premier message que je voudrais vous adresser est que le PLPFP est un élément central de notre crédibilité. Nous devons d'abord nous montrer crédibles vis-à-vis des Français, qui ont besoin de connaître le chemin que nous allons emprunter – celui d'un retour à la normale après des années de crise – et de savoir comment nous allons financer dans les années qui viennent les services publics et l'investissement dans les priorités d'avenir.

Il s'agit également d'assurer notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens. À cette fin, nous traduisons les objectifs fixés dans le programme de stabilité. Deux versements du plan de relance européen sont en jeu : un premier de 10 milliards, qui doit intervenir cette année, et un second de 8 milliards, l'année prochaine. Sans loi de programmation pluriannuelle, ces fonds ne nous seraient pas versés.

Il convient, enfin, d'asseoir notre crédibilité vis-à-vis des investisseurs qui achètent notre dette, dans un contexte de remontée des taux d'intérêt. En quelques mois, nos taux d'emprunt sont passés d'une valeur proche de zéro à des niveaux supérieurs à 3 % sur nos obligations à dix ans.

Quel signal enverrait-on si le projet de loi de programmation n'était pas adopté ? Le président Pierre Moscovici a eu l'occasion de vous le rappeler cet après-midi : sans loi de programmation, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ne pourrait pas exercer convenablement son rôle. Si ce texte n'était pas adopté, notre pays n'aurait plus d'engagements pluriannuels en matière de finances publiques. Nous avons besoin de savoir où nous allons.

S'agissant de notre crédibilité, j'ai bien conscience que le HCFP a formulé plusieurs réserves. Je ferai une remarque sur l'hypothèse de croissance potentielle à 1,35 % par an jusqu'en 2027. Notre estimation est proche des prévisions établies par les instituts qui tiennent compte de nos réformes, comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Notre prévision de croissance potentielle s'appuie de fait sur les réformes structurelles que nous conduisons ou allons mener : la réforme des retraites, celle de l'assurance chômage, la réforme du lycée professionnel, le succès de l'apprentissage, l'application des plans d'investissement et la baisse des impôts de production, qui se poursuivra en 2024.

Mon deuxième message porte sur le rythme de rétablissement de nos finances publiques. Nous le savons, une consolidation trop rapide casserait la croissance et engendrerait plus de dépenses qu'elle ne permettrait d'économies. C'est pourquoi nous assumons une stratégie de réduction progressive du déficit, laquelle permet de poursuivre l'investissement dans les services publics, dans la transition écologique et les baisses d'impôt. C'est ma réponse à ceux qui dénoncent une stratégie d'austérité qui n'a jamais été la nôtre.

Par rapport au texte qui vous a été présenté il y a un an, nous proposons cependant une trajectoire de retour sous les 3 % de déficit public légèrement plus rapide : nous visons 2,7 % en 2027 au lieu de 2,9 % il y a un an. Pour y parvenir, nous comptons réduire fortement la part des dépenses publiques dans le PIB, même si elles continueront à croître en euros, et nous stabilisons à 44,4 % la part des prélèvements obligatoires.

Cela implique de réaliser plus de 12 milliards d'économies à partir de 2025, réparties à parts égales entre l'État et ses opérateurs, d'une part, et la sécurité sociale, d'autre part. Nous assumons le fait que ces économies doivent être documentées.

Cela implique aussi que les collectivités territoriales, tout en continuant d'investir, maîtrisent leurs dépenses, mais nous ne reviendrons pas à l'idée d'un mécanisme de sanction tel qu'il figurait dans la première mouture de la loi. Nous parviendrons à réaliser ces économies par une démarche renouvelée des revues de dépenses, que nous venons de proposer, avec Bruno Le Maire, à la Première ministre. Il faut y travailler avec les élus locaux, notamment dans le cadre du HCFPL, qui a identifié de nouvelles pistes d'économies.

Nous intégrons davantage d'économies à notre trajectoire mais nous ne conservons pas la trajectoire issue du Sénat ni certains des amendements qu'il a adoptés, car ils ne sont ni réalistes ni souhaitables : je pense notamment à la réduction de 5 % du nombre d'agents publics de l'État et de ses opérateurs. Nous ne souhaitons pas tomber du côté de l'austérité.

Nous avons déposé des amendements qui visent à actualiser notre trajectoire, un an après le premier examen du texte. Les prévisions d'inflation ont été mises à jour, à l'instar des trajectoires financières des politiques publiques et des enveloppes des caisses de sécurité sociale. La série d'amendements que nous proposons vise à mettre le texte et le rapport annexé en cohérence avec la vision que nous avons de notre trajectoire économique et financière.

Ce nouvel examen tire les conclusions d'une année de travail du Secrétariat général pour la planification écologique. Nous sommes confrontés à une double dette, publique et écologique. La LPFP offre une vision actualisée des crédits de l'État consacrés à la transition écologique, en cohérence avec l'investissement supplémentaire de 10 milliards annoncé par le Président de la République et la Première ministre, qui se traduira par une hausse des crédits de paiement de 7 milliards en 2024. La loi consacre l'obligation de baisser le poids des dépenses néfastes à l'environnement.

Plusieurs groupes ont déposé des amendements qui visent à prévoir une trajectoire plus globale des financements de la transition écologique. Cela reflète la demande de visibilité que les groupes ont exprimée à la quasi-unanimité lors des dialogues de Bercy. Nous y serons favorables, parce que nous devons à nos concitoyens une visibilité sur les moyens qui seront consacrés à la résorption de notre dette écologique.

La loi de programmation constitue un engagement envers le Parlement et est avant tout faite pour lui. Elle vise à partager un cap, à permettre un meilleur pilotage des finances publiques et à s'assurer que les lois de finances annuelles sont en cohérence avec la trajectoire proposée par le Gouvernement. C'est pourquoi je donnerai un avis favorable à un certain nombre d'amendements de la majorité comme de l'opposition qui visent à mieux encadrer les pratiques financières comme les niches fiscales et à mieux informer le Parlement.

Depuis la révision de la Lolf, la portée de la loi de programmation pluriannuelle a été renforcée. Ainsi le Gouvernement doit-il désormais justifier devant le HCFP les éventuels écarts par rapport à la trajectoire pluriannuelle, en amont du dépôt du PLF de l'année. Il me semblerait un peu déroutant que le Parlement, après avoir à juste titre œuvré pour renforcer son pouvoir de contrôle, se prive d'un important instrument de ce contrôle.

Nous pouvons entretenir des divergences sur les paramètres ou sur différents points de passage mais, avant de décider de voter pour ou contre cette loi de programmation, vous devriez vous demander si vous soutenez une programmation des finances publiques qui ramène le déficit public sous la barre des 3 % en 2027, stabilise le taux de prélèvements obligatoires entre 2023 et 2027, et réduit la part des dépenses publiques dans le PIB.

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